Maladies cardiovasculaires : les femmes aussi

Maladies cardiovasculaires : les femmes aussi
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Pour se protéger des maladies cardiovasculaires, l’hygiène de vie reste la meilleure alliée. Dire non au tabac, manger équilibré, bouger, gérer son stress, etc., sont autant d’actions à la portée de tous.

Les maladies cardiovasculaires tuent 200 femmes chaque jour et représentent désormais la première cause de mortalité féminine en France, avec six fois plus de décès que par cancer du sein. Un chiffre pour le moins inquiétant : les hospitalisations pour un infarctus du myocarde chez les femmes de 45 à 54 ans – « un âge où, normalement, elles devraient être protégées par leurs hormones », indique le Dr Catherine Monpère, cardiologue et coprésidente de la Commission Cœur de Femmes – sont en hausse de 5 % par an. Et chez les moins de 25 ans, l’insouciance est de mise : le niveau de méconnaissance du risque progresse alors que le capital santé cardiovasculaire doit être entretenu dès le plus jeune âge. D’après une enquête Ifop, menée en janvier 2023 et présentée par l’Observatoire du cœur des Français, 47 % des interrogées estiment que les hommes sont les premières victimes.

Des modes de vie défavorables

En cause, « une explosion des facteurs de risque liée à une modifi­cation pro­fonde des modes de vie », résume la spécialiste. Réduction de l’activité physique, sédentarité, malbouffe, tabac et stress consti­tuent les principales racines du mal. Ajoutons à cela l’iné­galité hommes/femmes. « En cas de tabagisme (à consom­mation égale) ou d’hyper­tension, le surrisque augmente respec­tivement de 25 % et 50 % pour les femmes de développer une mala­die cardiovas­culaire », poursuit la cardiologue. De même, les différentes étapes de leur vie hormonale (contraception, grossesse, ménopause) sont des facteurs de risque.

Des symptômes minimisés

À ce constat se greffe l’attitude des femmes qui, « moins informées et, parfois, retenues par la peur de déranger, vont sous-estimer leurs symptômes, mettre du temps à appeler les secours et être prises en charge tardi­vement », développe le médecin. Selon une étude d’Axa Prévention pour Agir pour le Cœur des Femmes (septembre 2021), 77 % des femmes repoussent au maximum le moment de consulter et 42 % n’ont jamais surveillé leur cœur. Sans compter qu’elles pourront être moins bien diagnostiquées par des professionnels de santé pas toujours suffisamment formés et sensibilisés à leurs spécificités. D’ailleurs, les femmes sont encore sous-représentées dans les études scientifiques.

À savoir

Pour aider les femmes en situation de vulnérabilité à prendre soin de leur santé cardiovasculaire, l’association Agir pour le Cœur des Femmes a mis en place un dispositif de santé itinérant : le Bus du Cœur des Femmes. Le véhicule sillonne la France et accueille les femmes pour un dépistage cardio-gynécologique gratuit (villes et dates de passage sur agirpourlecoeurdesfemmes.com).

Testez votre cœur !

La Fédération française de cardiologie (FFC) propose un test rapide, à réaliser en ligne, qui permet d’évaluer votre risque d’accident cardiovasculaire (faible, modéré ou élevé). Des conseils adaptés viennent compléter le résultat.

https://www.fedecardio.org/je-me-teste/comment-va-votre-coeur/

Le cœur des femmes

Selon une étude espagnole publiée dans The Journal of the American College of Cardiology, 50 % des 40-54 ans souffriraient d’athérosclérose sans le savoir. Cette affection, responsable de la plupart des maladies cardiovasculaires, asympto­matique sur une longue période, se caractérise par le dépôt de plaques de graisses (plaques d’athérome) sur la paroi interne des artères. À terme, ­ces plaques diminuent le diamètre des artères, réduisant dès lors le passage du sang et, donc, l’apport en oxygène aux différents organes.

L’athérosclérose : une affection chronique

Quand elle est progressive, l’athéro­sclérose peut entraîner diverses ­pathologies : par exemple, si elle tou­che une artère du cœur, une angine de poitrine (douleurs thoraciques) peut survenir ; si elle concerne des artères des membres inférieurs (artérite), il peut y avoir une douleur à la mar­che. Mais la sanction peut être plus brutale (AVC, infarctus du myo­carde, etc.) dès lors que l’artère est bou­chée ou qu’une plaque d’athérome se détache : un caillot se forme et bloque totalement la circulation sanguine. « Les femmes qui ont une hypercholestérolémie familiale, qui sont fumeuses, en surpoids ou hyper­tendues doivent se faire dépister avec un scanner des artères coronaires. Cet examen récent sauve des vies », insiste la Pre Claire Mounier-Vehier, cardiologue, médecin vasculaire et cofondatrice d’Agir pour le Cœur des Femmes. Le traitement est fonction de l’importance de la plaque d’athérome : aspirine, statines, stent.

L’infarctus du myocarde : des symptômes atypiques

L’infarctus du myocarde, commu­nément appelé « crise cardiaque », correspond à la destruction partielle ou totale du muscle cardiaque due à l’obstruction d’une artère coronaire. Dans la plupart des cas, l’infarctus se traduit par une douleur en étau au niveau de la poitrine. Mais chez les femmes, cette douleur peut s’accompagner de symptômes atypiques : nausées, vomissements, troubles digestifs, essoufflement à l’effort, palpitations, grande fatigue persistante. Ils pourront être faussement interprétés comme du stress ou de la fatigue accumulée. « Une douleur qui perdure et qui réveille la nuit, et des symptômes inhabituels, a fortiori dans un contexte de risque, doivent alerter », précise le médecin. La seule consigne : agir très vite en appelant le Samu (15 ou 112) car sans prise en charge dans les trois heures, les chan­ces de revascula­risation s’amenuisent. Un traitement au long cours est ensuite mis en place : médicaments et réadaptation cardiovasculaire.

Le « syndrome du cœur brisé »

La dissection et les spasmes des artères du cœur sont également plus fréquents chez les femmes. Il existe en effet une variante typiquement féminine, rare, qui mime l’infarctus du myocarde : le syndrome de tako-tsubo, aussi appelé « syndrome du cœur brisé » ou « cardiomyopathie de stress ». « Lors d’un stress aigu, le sys­­tème nerveux va produire une décharge de catécholamines (hor­mo­nes du stress) qui vont accélérer le rythme cardiaque et paralyser le cœur, lequel ne peut alors plus assurer son rôle de pompe », explique le Dr Catherine Monpère. Le tako-tsubo concerne surtout les femmes ménopausées dans un contexte anxieux. C’est une forme réversible d’insuf­fisance cardiaque aiguë qui nécessite une prise en charge en urgence.

L’insuffisance cardiaque : en hausse

Habituellement réservée à la personne âgée, l’insuffisance cardiaque est en hausse chez les moins de 50 ans. Elle se traduit par un essoufflement, une fatigue, le gonflement de certaines parties du corps (jambes, veines du cou, foie) ou une prise de poids importante et rapide (1 kg par jour), ce qui indique que le cœur n’est plus capable de pomper suffisamment de sang pour oxygéner correctement l’ensemble des organes. L’insuffisance cardiaque est généralement la complication grave d’une maladie cardiovasculaire ou respiratoire (cardiopathie ischémique, hypertension artérielle, troubles du rythme cardiaque, anomalie des valves cardiaques, maladies des poumons, etc.). L’échocardiographie est l’examen clé de l’insuffisance cardiaque. Cette maladie, qui ne peut être que stabilisée, impose un traitement médicamenteux et des mesures hygiénodiététiques.

Le conseil du pharmacien : Surveillance rapprochée

Effectuez une fois par an les contrôles de rigueur : mesure de la tension et prise de sang à jeun, à la recherche de facteurs de risque cardiovasculaire (glycémie, cholestérol, triglycérides). Des dispositifs d’automesure (tensiomètre et lecteur de glycémie), vendus en pharmacie, vous permettront de vérifier régulièrement des données clés. Un bilan cardiovasculaire, réalisé chez le cardiologue, est recommandé aux personnes qui présentent des facteurs de risque.

Réduire les facteurs de risque

Grâce à une meilleure hygiène de vie, « 80 % des accidents cardiovasculaires pourraient être évités ; seulement 20 % d’entre eux sont d’origine génétique », indique Claire Mounier-Vehier. Les facteurs de risque peuvent en effet être réduits ou supprimés avec des comportements vertueux.

Arrêter de fumer

Le tabac est responsable du décès de 20 000 femmes par an, dix fois plus qu’il y a vingt ans. Un chiffre clé : 75 % des patientes hospitalisées pour un infarctus sont fumeuses (étude Wamif, 2019). Rappelons que, sur le plan hormonal, le tabac a un effet hypo-œstrogénique : il annule la protection naturelle contre les maladies cardiovasculaires dont bénéficient les femmes jusqu’à la ménopause. « L’association tabac-pilule contraceptive est un facteur aggravant », alerte le Dr Catherine Monpère. Elle multiplie par dix le risque d’infarctus du myocarde et par vingt celui d’accident vasculaire cérébral, selon la Fédération française de cardiologie. À retenir : arrêter de fumer réduit d’au moins 50 % le risque relatif de faire un infarctus.

Moins de sédentarité

La sédentarité, qui correspond à un niveau d’activité très bas, alimenté, notamment, par le temps passé devant les écrans, est en hausse. Or, le cœur est un muscle qui doit être stimulé ; sans cela, il s’habitue moins à l’effort. La sédentarité concerne plus particu­lièrement les moins de 45 ans et les femmes : 70 % d’entre elles sont en deçà de tous les niveaux d’activité identifiés pour être en bonne santé (contre 42 % des hommes), selon une étude de 2022 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’envi­ron­nement et du travail. Or, elle peut entraîner un sur­­poids ou une obésité, et un diabète.

Pratiquer une activité physique régulièrement

L’activité physique, en commençant par le simple fait de bouger au quotidien, est à la fois vectrice de mieux-être, en agissant sur le stress, et de longévité. Selon une étude australienne, publiée dans la revue Nature Medicine en 2022, seulement trois à quatre minutes de sport par jour seraient associées à une réduction de 49 % des décès liés aux maladies cardiovasculaires.

Quant au stress, il peut prendre une forme aiguë pouvant conduire à l’infarctus du myocarde. Attention, les effets délétères du stress sont plus importants chez les femmes.

Adopter un régime méditerranéen

Une alimentation saine et équilibrée est protectrice. En revanche, un apport trop élevé en sodium est corrélé à une hausse de la pression artérielle, et une consommation excessive d’acides gras saturés (beurre, fromages, viande rouge, etc.) favorise le dépôt de cholestérol sur la paroi des artères. On privilégie les bonnes graisses de type oméga 3 (poissons gras, noix, huiles végétales) et les fibres (fruits, légumes, légumineuses, céréales). Autre consigne : on limite les boissons alcoolisées (pas plus de deux verres par jour). Bien manger, c’est agir sur les facteurs de risque : hypercholestérolémie, hypertension artérielle, diabète et obésité.

L’impact de la vie hormonale

Trois périodes clés de la vie hormonale sont à surveiller : la première contra­ception, la grossesse et la ménopause. Outre l’examen, la mise en route de la contraception implique de communiquer tous les antécédents familiaux (phlébite, hypercholestérolémie, etc.) afin de s’assurer qu’il n’existe pas de contre-­indication métabolique ou cardiovasculaire à la prescription d’œstrogènes de synthèse. Chez une femme âgée de moins de 35 ans, fumeuse, migraineuse, hypertendue ou en surpoids, une contraception avec œstrogènes de synthèse est contre-indiquée. Avant ou au début d’une grossesse, le risque cardiovas­culaire est évalué. Après l’accouchement, « les femmes ne doivent pas reprendre leur contraception œstroprogestative pendant six semaines. Car durant cette période, le ris­que de thrombose, de phlébite et d’embolie pulmonaire est plus élevé », informe la Pre Claire Mounier-Vehier. De même, « une grossesse pathologique est
un marqueur de risque de survenue ultérieure de maladie cardiovasculaire, ce que l’on ne savait pas il y a encore dix ans. Ces femmes doivent donc faire l’objet d’un suivi prolongé »
, ajoute Catherine Monpère. Enfin, à la ménopause, un check-up cardiovas­culaire est recommandé.

L’avis de l’experte : Vigilance à la ménopause

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Pre Claire Mounier-Vehier, Cardiologue, médecin vasculaire et cofondatrice d’Agir pour le Cœur des Femmes

« Je milite pour qu’il y ait une consul­tation longue et systématique de repérage à 50 ans, à l’entrée dans la ménopause, pour identifier le risque cardio-cérébrovasculaire des femmes, notamment en cas de souhait de traitement hormonal. Du fait de la carence en œstrogènes naturels, le risque métabolique et artériel aug­mente. Les femmes ont tendance à grossir, surtout au niveau de l’abdo­men, à avoir du diabète et du cholestérol, et à être hypertendues. Elles doivent être particulièrement attentives à leur hygiène de vie. »