Jean-Luc Reichmann : « L’important pour moi, c’est le partage »

Jean-Luc Reichmann : « L’important pour moi, c’est le partage »
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Flic au grand cœur dans Léo Mattéï, brigade des mineurs ou joyeux chef d’orchestre des 12 Coups de midi, ce faiseur de tubes cathodiques ne se contente pas d’ensoleiller nos écrans depuis quasiment trente ans ; il a fait de son altruisme une profession de foi. En témoignent ses confidences aux allures d’hymne à la vie.

Un récent sondage vous a désigné personnalité télé numéro un dans le cœur des Français. De son côté, Wikipédia vous présente comme « animateur, comédien, humoriste, producteur et imitateur ». Vous validez ce curriculum vitæ ?

Jean-luc Reichmann : Oui… Cela résume en fait tout ce qui touche à l’écoute. Quand vous êtes comédien, vous écoutez les autres et essayez de donner le meilleur de vous-même. En tant qu’animateur, vous êtes attentif aux autres afin qu’ils vous donnent le meilleur d’eux-mêmes. En tant qu’imitateur, vous êtes aussi obligé d’être dans l’écoute, sans quoi, vous sonnez faux. Si en tant que producteur vous n’êtes pas à l’écoute de vos équipes, vous êtes rapi­dement dépassé… Quoi que je fasse, je cherche à fédérer. La description de Wikipédia reflète une façon de rassembler en essayant de livrer le plus beau message.

Les records d’audience de Léo Mattéï, brigade des mineurs et des 12 Coups de midi montrent que vous y parvenez !

Au début de ma carrière, j’étais assez sprinteur. Aujourd’hui, je suis plutôt un coureur de fond. Je ne travaille pas pour battre des records même si je sais bien que l’audi­mat fait loi. Pour un dirigeant de chaîne, un programme est d’abord pensé en termes de rentabilité : combien coûte-t-il, combien rapporte-t-il. De mon côté, je ne pense pas à ça quand je suis en plateau. Je ne travaille que pour le plaisir que me procure le fait d’en donner aux gens. L’important pour moi, c’est le partage.

Dans « T’as une tache, pistache ! », votre autobiographie, vous écrivez : « Je suis une sale bête, un scorpion. Je ne renonce pas. » Votre persévérance guide-t-elle vos pas ?

Si je vous avoue que la signature de mes mails est « On ne lâche rien », je dis tout ! [rires]. Plus sérieusement, dès que je me lance un défi, j’y vais à 200 %. Quand je dis oui, je me bats jusqu’au bout.

Voilà dix ans que les enquêtes du commandant Léo Mattéï embarquent les téléspectateurs au sein de la brigade des mineurs. Quand on sait que la protection de l’enfance doit beaucoup à cette série culte, votre adage prend tout son sens…

Avec mon épouse Nathalie, nous avons (re)composé une famille de six enfants. Lorsque nous avons créé la série en 2013, nous avions pour objectif de faire passer des messages, d’envoyer un signal à toutes les générations pour libérer la parole et venir en aide aux plus jeunes. Je pense sincèrement que c’est sur eux que repose le monde de demain ainsi que sur l’éducation qui leur est donnée.

Concrètement, quel message souhaitez-vous transmettre ?

À travers la série, nous voulions modes­tement apprendre aux enfants à ne plus respecter la loi du non-dit. Il faut savoir que chaque scénario est écrit en colla­bo­ration avec la brigade des mineurs, et je vois bien que dans les familles tout le monde protège tout le monde par le sceau du silence. Le combat que nous menons à notre manière depuis dix ans avec Mattéï tend à faire bouger les lignes. Je sais que les lendemains de diffusion d’épisodes, le standard de la brigade sonne sans arrêt. Si le petit travail que nous faisons peut permettre de délier les langues et d’aider les enfants, on aura gagné.

Entre la série et les 12 Coups de midi, vous êtes à l’antenne 364 jours par an. Comment tenez-vous physiquement ?

C’est plutôt quand je m’arrête que je suis crevé ! J’accuse le coup. L’été, je passe deux mois en Corse et je ne fais rien. Ça me fait du bien et j’adore ça [rires].

Cette boulimie existentielle vient-elle du fait qu’à 23 ans, un accident de moto a failli vous coûter la vie ?

Ça change forcément l’état d’esprit quand on entend quelqu’un dire « il est mort » et qu’on comprend, allongé sur le bitume après avoir été percuté par une voiture, que c’est de vous dont on parle. J’ai mis un an à m’en remettre. Ce genre d’expérience fait prendre conscience qu’on n’a qu’une seule vie, que nous partons sans rien et que nous ne laissons rien à part des souvenirs aux autres. À partir de là, on ne peut que mesurer l’importance d’agir, de faire les choses plutôt que d’en parler.

Votre parcours de combattant vous a également conduit sur les chemins du handicap…

Quand il s’agit d’une particularité physi­que ou mentale, je trouve le terme générique « différence » plus élégant
que celui de « handicap ». Mais encore faut-il savoir où se situe le handicap ! Chez un mec qui a une tache sur le nez ? Un autiste Asperger ? Une fille – comme ma sœur, en l’occurrence – qui a une surdité profonde ? Tout peut être un handicap. Alors oui, sur mes tournages je reçois des enfants en phase terminale et des personnes dites « handicapées ». Mais je préfère dire que pendant quelques heures, je partage un moment hors du temps avec des gens qui sont différents.

Ces moments hors du temps vous permettent-il de leur insuffler votre force ?

À 14 ans, je me suis entendu dire par mon professeur de français : « La tache, au tableau ! » devant toute la classe. À la même époque, une fille a refusé de sortir avec moi à cause de mon angiome. Imaginez les dégâts que cela peut faire dans la tête d’un ado. J’ai connu le rejet et les moqueries, et c’est parce que je les ai dépassés que je souhaite montrer l’exemple. Si j’arrive à changer un peu les mentalités et faire en sorte que la différence devienne un plus, j’aurai gagné.

Luttez-vous contre la discrimination sous toutes ses formes ?

Je m’appelle Reichmann. À l’école, j’étais celui qu’on traitait de sale juif même si j’allais au catéchisme parce que ma mère était chrétienne. À l’âge de 6 ans, mon père a quitté sa Tchécoslovaquie natale à cause de la guerre et a rejoint la France dans un wagon à bestiaux. Pendant tout le conflit il a vécu dans une église avec un curé alors qu’il était de confession juive… Au risque de me répéter, quelle que soit la différence, elle ouvre sur le monde et sur soi-même. Pas l’inverse.

Questions pour des champions

Des réponses de culture générale à trouver, des milliers d’euros à gagner, des œuvres caritatives à financer, des fous rires, de la bonne humeur… Voilà douze ans que les téléspectateurs se régalent des 12 Coups de midi à l’heure du déjeuner. Créé par Jean-Luc Reichmann, le jeu le plus populaire du petit écran est à l’image de son maître de cérémonie, entre générosité, bonne humeur et partage.

Les 12 Coups de Midi, du lundi au dimanche à 12 h sur TF1.

Au secours des enfants

Dans la peau de Léo Mattéï, commandant à la brigade des mineurs, Jean-Luc Reichmann se bat pour la protection des enfants victimes de maltraitances scolaires et/ou familiales, comme de cyber-harcèlement. Tournée l’été dernier et diffusée cette année sur TF1, la saison 10 enrichit son casting historique (Lola Dubini, Stomy Bugsy et Romane Portail) de prestigieuses participations (Mimie Mathy, Lorie PeSter, Xavier Deluc et Estelle Lefébure).