Démon de midi : les femmes aussi concernées ?

Démon de midi : les femmes aussi concernées ?
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Alors que les « cougars » affichent sans complexe leur différence d’âge dans leur couple, que penser de ces femmes qui sortent avec un jeunot ? Folie passagère ou phénomène durable ? On mène l’enquête.
  Si vivre une relation amoureuse avec une personne plus jeune a toujours été courant chez les hommes, suscitant éventuellement quelques ricanements mais rarement plus, une femme en couple avec un homme plus jeune provoque bien des commentaires. Du moins, de la part de ceux qui ont le même âge que les cougars, car les jeunots, eux, sont ravis de profiter de l’expérience d’une femme mûre, à l’apogée de sa sexualité, pour forger les bases de la leur et se laisser prendre en main, dans tous les sens du terme. Médiatisé par différentes personnalités, de Demi Moore à Claire Chazal en passant par Brigitte Macron, sans oublier Colette ou Marguerite Duras en leur temps, ce phénomène prend une ampleur qui interroge. Ces femmes mûres, quel est leur moteur dans la recherche d’une relation avec un petit jeune ? Sont-elles victimes du fameux « démon de midi », ou s’agit-il de ressorts plus profonds ?  

Le démon de midi, un concept pas tout à fait vieux comme le monde

Cette expression biblique n’avait à l’origine aucun lien avec le péché de chair, et encore moins avec l’attirance d’un homme (ou d’une femme !) mûr pour une jeune femme, mais résulte d’une mauvaise traduction de l’expression « destruction qui exerce ses ravages en plein midi », où destruction est remplacée par « démon », un démon qui agit en plein jour, donc, et tourmente les hommes à un moment où ils se croient en pleine possession de leurs moyens. Cette expression, associée avec le péché de chair depuis la fin du XVIIe siècle, est entrée dans le langage courant depuis que le romancier Paul Bourget l’utilisa comme titre d’un roman paru en 1914, racontant la passion ravageuse d’un homme marié et rangé avec son amour de jeunesse retrouvé. L’expression est alourdie de la notion de péché, et induit une désapprobation morale de celui (ou celle) qui cède à ce démon. « Midi » a un double sens : à la fois le midi de la vie, l’âge où l’on ressent une forme de plénitude, et le « midi du corps », le milieu du corps, le lieu où le désir sexuel se manifeste. Voilà pour ce qui est de se coucher moins bête ce soir.  

Le désir a-t-il un sexe ?

Il a toujours été accepté que les hommes fréquentent des femmes plus jeunes. Attirance de la chair fraîche, routine conjugale, désir en berne après plusieurs grossesses et deux décennies de vie commune… La société comprend et tolère ce réveil du désir (masculin), associé à un besoin de réassurance de sa virilité, même si la désapprobation grandit face au nombre de femmes qui se retrouvent livrées à elles-mêmes alors que la soixantaine pointe le bout de son nez à l’horizon. Mais lorsque les rôles sont inversés, l’histoire n’est pas la même : les nombreux commentaires suscités dans la presse étrangère par la différence d’âge dans le couple Macron en sont une bonne illustration. Pourquoi l’idée d’une femme qui assume son désir pour un homme jeune surprend-elle, voire gêne-t-elle ? Cette attitude vient bouleverser le code de conduite du désir, véhiculé depuis des siècles, où c’est l’homme qui désire et la femme qui se contente d’être un objet de son désir. Forcément, quand on passe du statut d’objet du désir à personne dotée de désir, cela ne va pas sans heurter ceux qui sont habitués à être dans le rôle inverse. Fort heureusement, cela n’arrête pas les « cougars », ces femmes jugées comme des prédatrices avides de sang frais. Mais est-ce vraiment le sang frais qui les attire ?  

Différence d’âge dans le couple : pourquoi elles aiment ça ?

Le nombre de femmes qui aujourd’hui assument cette situation voire la recherchent interroge sur leurs motivations. Désir de se rassurer sur leur féminité alors que les regards se détournent d’elles au profit de leurs filles devenues jeunes femmes ? Envie d’échapper pour un jour ou toujours à la routine d’un couple qui se connaît trop bien ? Désir de rester jeune, dans leur corps mais aussi dans leur tête en étant vivifiée par un compagnon plus jeune, qui les incite à prendre soin d’elle ? Liberté d’exprimer son désir en apprenant à un jeune amant comment rendre une femme heureuse ? Un peu de tout cela, à en croire les témoignages de celles qui font ce choix amoureux et l’assument avec le sourire. Que ce soit pour une brève aventure ou une histoire au long cours, ces femmes épanouies, dans la plénitude de leur vie et de leur sexualité, s’amusent à initier aux secrets de la vie un jeune homme qui les admire. Plutôt chouette comme feuille de route, non ?  

Le départ des enfants, un puissant déclencheur

Si les hommes subissent souvent la tentation du démon de midi après un choc émotionnel (décès d’un proche, divorce, etc…) ou professionnel (licenciement) qui leur fait l’effet d’un électrochoc, les femmes réagissent à un autre phénomène. Une fois leurs enfants autonomes, elles se retrouvent face à un vide vertigineux, elles qui ont consacré une bonne partie de leur vie à prendre soin d’autrui, souvent aux dépens de leur carrière ou de leurs aspirations personnelles. Alors, certaines s’autorisent enfin à se recentrer sur elles et à profiter de leur féminité épanouie auprès d’un partenaire dont la fraîcheur mettra en valeur toute leur complexité. Mais il semblerait que ça ne dure qu’un temps à cause du fameux cap de la ménopause, douloureux pour beaucoup, et qui marque souvent le point d’arrêt de ces histoires atypiques. Les changements ressentis par les femmes dans leur corps rendent encore plus pesant le stress lié à leur vieillissement, exacerbé par la différence d’âge avec leur jeune compagnon, créant un déséquilibre et des complexes difficiles à porter dans la durée. Que ces histoires durent un jour ou dix ans, on ne peut que se féliciter, en ces temps où le sexisme fait la une de tous les journaux, que les femmes assument haut et fort leur désir, au point d’enjamber avec élégance des codes sociaux qu’on espère enfin périmés. Laissons le joli mot de la fin à Henri-Frédéric Amiel, écrivain suisse du XIXe siècle célèbre pour son journal intime, qui y consigna cette pensée si juste : « Quel que soit son âge, la femme veut bien éprouver le second amour, mais entend inspirer le premier. » À méditer !
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