Thierry Ardisson : « Mon moteur, c’est d’inventer »

Thierry Ardisson : « Mon moteur, c’est d’inventer »
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Il a le chic des questions chocs, mille idées (de génie) à la seconde, 35 ans de confessions cathodiques cultes derrière lui diffusées sur une chaîne télé éponyme, et, depuis peu, la Légion d’honneur. Si sa garde-robe lui vaut le surnom de « l’homme en noir », son parcours et sa « cashittude » forcent le respect et l’admiration. 

Le style « ardissonien » s’est inscrit dans notre patrimoine culturel en bousculant les conventions. Revendiquez-vous l’image du « mec sans filtre » que l’on peut avoir de vous ?

Thierry Ardisson : Cela a toujours été ma marque de fabrique. Quand j’ai débuté à la télé, en 1985, le langage audiovisuel était encore très compassé. Peu de gens s’y exprimaient comme on le fait dans la vie. J’ai cassé les codes et c’est sans doute cela qui m’a valu cette image. Mon culot, aussi, parfois dans mes interviews. Et pour être tout à fait honnête, j’avais le trac, j’étais vraiment malheureux d’être devant des caméras. Je me disais qu’il n’y avait pas de raison que mes invités ne soient pas aussi mal à l’aise que moi. La « cashittude » dont vous parlez vient peut-être de là.

Si les caméras vous rebutaient à ce point, pourquoi avoir poursuivi en tant qu’animateur ?

C’est vrai que beaucoup auraient abandonné à ma place, mais je voulais être riche et célèbre ! [Rires] Et je n’avais pas d’autres talents que celui-là. J’ai écrit des livres dont certains se sont pas mal vendus, mais je n’ai pas voulu en faire mon métier, je ne m’en sentais pas capable. Donc, après quinze ans dans la pub, je suis arrivé un peu par hasard à la télé. Là, on m’a donné plein d’argent pour faire tout ce que je voulais et j’aurais eu tort de ne pas le faire !

Est-ce le petit garçon issu d’un milieu modeste qui s’exprime lorsque vous dites que vous vouliez être riche et célèbre ?

Sans aller jusqu’à parler d’une enfance malheureuse, je préfère dire qu’elle n’était pas drôle. Mon père était dans les travaux public, on déménageait souvent et nous n’avions pas beaucoup d’argent. Mes parents ne vivaient pas avec talent. Ils souffraient sur le plan existentiel. J’ai donc grandi en ayant envie d’échapper à ça. Pour moi, devenir riche et célèbre signifiait changer de milieu, vivre dans un monde plus agréable, moins médiocre.

Votre actualité médiatique pioche pas mal dans le passé. Pensez-vous, comme certains, que c’était mieux avant ?

J’exerce un métier extrêmement éphémère. On passe un temps fou à faire une émission qui s’évapore à peine diffusée. Aujourd’hui, à moins d’avoir accès aux archives de l’INA [Institut national de l’audiovisuel, NDLR], vous ne pouvez pas voir en replay des émissions qui ont fait l’histoire de la télévision. En réunissant mes 35 ans d’antenne avec INA Arditube et Ardivision, mes chaînes sur YouTube et Samsung TV Plus, j’ai voulu préserver mon travail. Avec Hôtel du temps, j’ai eu envie de faire revivre des légendes grâce à l’intelligence artificielle. J’ai arrêté au bout de trois épi­so­­des (trop de temps et d’argent, et trop peu d’audimat), mais Warner Bros a acheté le format pour le monde et l’émission a été nommée aux Emmy Awards 2023. Hôtel du temps est la preuve que je ne me suis pas réfugié dans le passé. 

N’y a-t-il pas un moment où on a envie de poser ses valises professionnelles pour profiter davantage de la vie ou tout simplement se reposer ?

J’ai beaucoup voyagé et bien profité. Il se trouve qu’aujourd’hui, je suis marié à une femme [Audrey Crespo-Mara, NDLR] dont la carrière est en pleine ascension. Elle a 47 ans et je ne me vois pas lui demander de tout arrêter pour me suivre.

Comme je suis tenu de rester à Paris, que voulez-vous que je fasse ? [Rires] Ce serait dommage de ne pas réaliser mes idées alors que j’en ai toujours plein !

Dans la création, le cerveau est le principal outil de travail. Comment faites-vous pour que le vôtre soit aussi productif ?

Je pense qu’il s’agit d’abord d’un état d’esprit. Les idées sont dans l’air. Il faut donc se mettre en condition de radar pour les capter. Tout ce qui aide dans ce sens est bon à prendre. Pendant longtemps, compte tenu de la suractivité et du stress du monde qui m’entourait, je fumais du cannabis. Ma créativité était désinhibée et cela me permettait d’inven­ter. Après, il faut être très prudent. Si vous abusez, ça a l’effet inverse. J’ai appris à gérer et à préserver mon outil de travail. Aujourd’hui, j’y fais très attention.

J’ai pris beaucoup de drogues, sur­­tout de l’héroïne, je m’en suis sorti, ça a été ce que j’ai eu à faire de plus dur dans ma vie, et ça m’a rendu plus fort.

Avez-vous, en parallèle, une hygiène de vie particulière ?

Je suis très vigilant sur ma santé. Je suis récemment passé de 92 à 78 kilos. J’ai toujours été un peu gros et je voulais savoir ce que ça fait d’être mince avant de mourir. J’ai réappris à me nourrir, je suis passé à la vapoteuse sans nicotine, je fais deux heures de sport par semaine et j’ai réduit à zéro ma consommation de vin rouge. J’ai une stratégie, celle de la montgolfière : si l’on veut rester à la même altitude malgré l’âge, il faut lâcher du lest.

Est-ce que le fait d’avoir 27 ans de plus que votre épouse vous motive à prendre soin de vous ?

Oh là ! C’est fort possible ! [Rires]. Blague à part, je suis assez obsédé par la pré­vention. Je fais régulièrement des check-up, des IRM, des prises de sang… Il ne faut pas attendre d’être malade pour passer des examens. Je suis convaincu que la base de la médecine devrait être la prévention.   

Tubes à la carte

Grande première dans l’univers des chaînes Fast. Depuis mi-septembre, et en partenariat avec l’INA, Thierry Ardisson voit sa carrière auréolée d’une chaîne rien qu’à lui. Ardivision, disponible gratuitement sur Samsung TV Plus, donne chaque jour accès à tous les programmes qui ont jalonné les 35 ans de carrière de l’animateur. Les émissions sont diffusées à l’horaire d’origine et chaque mois, vingt heures de programmes frais sont ajoutées.

Choix de vies

Que faire lorsque l’on est confronté à un choix cornélien ? À qui demander conseil pour prendre la bonne décision ? Pourquoi pas à la France entière ? C’est ce que propose Thierry Ardisson dans son nouveau programme en direct, avec Hugo Clément aux manettes, où cinq participants nous font entrer dans la valse de leurs hésitations. Une fois les problématiques décortiquées et débattues à l’antenne, les téléspectateurs pourront donner leur avis par vote.

Nos grandes décisions, coproduit par Régis Lamanna-Rodat, présenté par Hugo Clément, en deuxième partie de soirée sur France 2, à partir du 7 février.