David Douillet : « Se connaître, c’est la seule vraie médaille de la vie »

David Douillet : « Se connaître, c’est la seule vraie médaille de la vie »
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On le connaît pour être l’un des judokas les plus titrés de l’histoire. Même loin des tatamis depuis plus de vingt ans, ce champion reconverti en homme d’affaires reste un poids lourd dans le cœur des Français. Normal. Derrière ses allures de colosse invincible se cache une douce âme de philanthrope…

Avant que le champion Douillet entre dans la légende du judo français, pouvez-vous nous raconter comment tout a commencé pour le petit David ?

David Douillet : J’avais 11 ans quand ma grand-mère m’a inscrit dans mon premier club de judo, mais ça faisait déjà cinq ou six ans que je la tannais pour faire comme mes deux camarades de vacances. Leurs parents avaient l’habitude de louer la maison voisine de la nôtre. Ils avaient hérité de leur père la richesse de la culture japonaise et faisaient du judo à Paris. Évidemment, il n’y avait pas de salle à Bellencombre, petit village de six cents habitants où je vivais. Un jour, par chance, un club a ouvert à quelques kilomètres de chez nous, et ma grand-mère a sauté sur l’occasion pour m’inscrire. Elle a bien fait !

Vous n’avez jamais caché avoir été un enfant introverti et mal dans sa peau. Était-ce dû à l’absence de vos parents ?

Il est vrai que j’avais des choses compliquées à gérer. Je n’avais pas de père, ma mère vivait sa vie et était absente, et mon grand-père que j’aimais par-dessus tout est décédé quand j’avais 11 ans. Je me suis retrouvé seul avec mémé Blanche et en plus, je mesurais déjà 1 m 80 ! Tout ça n’aide pas mais il ne faut pas exagérer non plus. Je n’ai manqué de rien, j’ai reçu beaucoup d’amour…

Le judo vous a-t-il aidé à dépasser ce mal-être ?

Quand mon papy est décédé, je ne m’en suis pas rendu compte immédiatement mais le judo m’a pris à bras-le-corps et m’a servi de tuteur. Pour mon éducation, ça a été un complément fantastique et heureusement ! J’ai pu combler mes manques avec les valeurs d’une discipline qui m’a tout de suite passionné.

Quelles sont les valeurs qui vous ont aidé à grandir ?

Il y a eu d’un côté la rigueur sportive qui structure et de l’autre, les référents masculins qui m’ont accompagné et dont j’ai pu m’inspirer. S’il y a un petit message d’espoir à passer aux enfants issus de familles monoparentales, j’ai envie de dire qu’il est toujours possible de trouver ailleurs ce dont on a besoin. Il ne faut ni se renfermer ni se sentir coupable de ne pas avoir les parents espérés. Au contraire, il faut s’ouvrir aux autres et chercher en eux des qualités dont on peut se nourrir. Un ami, un cousin, un prof… Peu importe. On peut toujours se construire en étant aimé.

La pratique d’un sport aide-t-elle aussi à se muscler le mental ?

Je dirais plutôt qu’on est solide à partir du moment où l’on se comprend soi-même. Que ce soit physiquement ou moralement, une personne est forte quand elle se connaît. Le sport, comme n’importe quelle autre activité, est un moyen d’y parvenir. Cela accélère le processus de la connaissance de soi. Quand on se surpasse pour s’améliorer, ça concourt à bien se connaître. Et se connaître, c’est la seule vraie médaille de la vie.

Vous n’aviez que 30 ans lorsque vous avez décidé de mettre fin à votre carrière sportive. Pourquoi avoir pris cette décision si jeune ?

Arrivé à la trentaine, je me suis rendu compte que j’avais réalisé tous mes rêves d’enfant. En 2000, après mon dernier titre olympique, quand je me suis demandé « je fais quoi, maintenant ? », la seule réponse qui s’est imposée à moi a été d’arrêter le judo. Cela m’a permis de prendre un recul phénoménal par rapport à l’existence, de réfléchir sur la place que je voulais y occuper. J’ai compris à ce moment-là que tout ce que j’avais fait jusque-là n’était pas si capital. Le plus important pour moi est ce que l’on va laisser à ceux qui nous sont chers. Nous ne sommes que de passage alors autant faire quelque chose qui va servir aux autres. C’est la seule richesse qui compte.

C’est ce qui vous a poussé à mettre votre notoriété au service de l’opération Pièces Jaunes pendant treize ans ?

Au départ, on ne va pas se mentir, j’étais un peu réticent car je craignais d’être récupéré politiquement. J’ai quand même rencontré madame Chirac et je l’ai senti très touchée par le sujet des enfants malades. À l’époque, je ne le savais pas encore, sa fille souffrait d’anorexie. Avant de lui donner ma réponse, elle m’a proposé d’aller à l’hôpital Necker pour rencontrer des jeunes patients et leurs médecins. Ce que j’ai fait. Quand je suis sorti, j’ai pleuré. Je venais de recevoir une énorme gifle. Le tout jeune papa que j’étais a eu honte d’avoir hésité à soutenir cette cause. À partir de là, je n’avais plus le choix. Si je pouvais servir à une seule chose dans ma vie, c’était à cela. Même ma carrière sportive était devenue ridicule à côté de ce que je venais de vivre. Je me suis dit à ce moment-là que ma notoriété prenait un sens. Et ça a duré jusqu’à ce que j’entame une carrière politique.

Après le judo et la politique – vous avez quand même été ministre des Sports –, vous êtes aujourd’hui entrepreneur. Vous avez plusieurs vies en une…

J’adore ça ! Mais honnêtement, après avoir donné dix ans de ma vie à la politique, j’ai commencé à m’ennuyer. Et quand je m’ennuie, j’arrête et je change de métier. Aujourd’hui, je suis dans les assurances et dans l’immobilier, mais je réfléchis déjà à l’après. C’est pour ça que j’ai envie de vivre le plus longtemps possible ! [Rires] Non pas que je rêve d’être éternel mais j’ai peur de ne pas avoir suffisamment de temps pour tout faire. Je sais que d’ici six ou sept ans, mes activités actuelles seront stabilisées et que j’aurai envie de passer à autre chose. J’aurai 60 ans et j’ai des projets pour deux décennies. C’est pourquoi je veux me maintenir en forme !

Justement, que faites-vous pour rester en forme ?

J’adore les bonnes choses et je mène un combat permanent pour contrôler mon poids. Malheureusement, j’ai des séquelles de ma vie d’athlète quime rattrapent en ce moment et qui m’empêchent de faire du sport d’entretien. D’habitude, je fais beaucoup de vélo, ce qui me permet de compenser le fait que j’aime profiter de la vie. Mais je n’ai plus de cartilage à un coude et je ne peux plus tenir de guidon. Donc, j’essaye de faire attention à ce que je mange mais c’est loin d’être évident. [Rires]

La voix du maître

Fort de son parcours de champion multimédaillé, David Douillet a rejoint en 2020 la fine équipe des Grandes Gueules du Sport sur RMC. Derrière le micro, deux à trois week-ends par mois, il chronique l’actualité et débat des sujets qui le touchent, quelle que soit le domaine sportif.  

Les Grandes Gueules du Sport, le samedi et le dimanche de 9 h à 12 h, sur RMC.

Le business solidaire

À la tête de la société Harvey avec trois de ses amis anciens judokas, David Douillet s’est lancé dans la construction de logements associatifs pour faciliter l’accès au bail des jeunes athlètes. En parallèle, ils ont créé un fonds de dotation dont la mission est de soutenir les sportifs de haut niveau avant, pendant et après leur carrière : attribution de bourses au logement, financement de leur préparation aux compétitions et accompagnement à la reconversion.