Maladie de Lyme : où en est-on en 2017 ?

Maladie de Lyme : où en est-on en 2017 ?
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Difficile de se faire une idée sur cette maladie car la polémique continue entre ceux qui minimisent les risques et les scientifiques comme le Pr Christian Perronne (service d’infectiologie, CHU Raymond-Poincaré de Garches) qui se battent pour que la maladie soit mieux dépistée et mieux traitée*.
 

Tests et traitements inadaptés

Cette maladie due à la bactérie Borrelia burgdorferi, transmise par des piqûres de tiques, est, il est vrai, déroutante. Primo, l’apparition d’une tache rouge (érythème migrant) autour du point de morsure, reconnue comme la lésion initiale de la maladie, n’est pas systématique. La morsure est indolore et peut donc passer inaperçue. Secundo, à ce stade, même si la tique a été repérée pendant son repas et identifiée, le test sérologique Elisa utilisé en France est presque toujours négatif, donc faussement rassurant. Or, sans traitement, la maladie évolue à bas bruit jusqu’à devenir chronique et provoquer des symptômes graves : dermatoses, arthrites très douloureuses, troubles neurologiques. De plus, quand elle est diagnostiquée, la dose et la durée du traitement antibiotique prescrit par les médecins sont le plus souvent inappropriées. Pour qu’il soit efficace, 4 g d’amoxicilline ou 200 mg de doxycycline par jour pendant 2 à 3 semaines sont nécessaires, et plus si les symptômes non cutanés persistent, indiquant par-là que la maladie évolue. Or les informations qui parviennent aux médecins prônent des doses inférieures, d’où des rechutes.  

Recherches insuffisantes

Si le patient découvre tard sa maladie, c’est pire encore. Les tests sérologiques (Elisa et Western Blot) ne sont pas fiables et ne détectent pas toutes les variantes régionales de la bactérie. Alors que les vétérinaires disposent de tests plus performants pour dépister la maladie sur le bétail, mais non autorisés chez l’homme ! Faute des budgets réclamés par les chercheurs, les choses en restent là. Enfin, les formes avancées de la maladie sont difficiles à traiter. Il faut parfois changer d’antibiotiques ou associer d’autres anti-infectieux pour guérir ou améliorer l’état de patients handicapés. Et tous n’en bénéficient pas ! Le ministère de la Santé a enfin lancé un Plan Lyme en juillet 2016 pour lutter contre cette épidémie et soutenir la recherche, mais l’effort est insuffisant... * Auteur de LA VÉRITÉ SUR LA MALADIE DE LYMEéd. Odile Jacob, 2017.  

Le livre qui a mis la maladie de Lyme en lumière

Ce que nous avait appris le livre-enquête de Roger Lenglet et Chantal Perrin, L’AFFAIRE DE LA MALADIE DE LYME (paru en avril 2016).

Au-delà d’un tour d’horizon complet de la maladie de Lyme, la volonté des deux auteurs du livre « L’affaire de la maladie de Lyme » est de nous alerter : mal diagnostiquée, en pleine expansion et presque niée par nos autorités, la maladie de Lyme inquiète.

En France, 27 000 nouveaux cas sont officiellement reconnus chaque année. Sauf qu’a priori, et de nombreux spécialistes s’accordent à le dire, le nombre de personnes touchées par cette maladie est bien supérieur : 3 à 12 fois plus de cas que ceux annoncés.

La maladie de Lyme, une pathologie grave


Cette maladie est à évolution lente – les symptômes n’apparaissent pas dans l’immédiat –, elle peut affecter le cerveau, le cœur, le système immunitaire et les articulations, de façon simultanée ou successive. Le diagnostic n’est pas toujours évident et les médecins trop peu nombreux à bien connaître cette pathologie. Si certains symptômes sont rares et se manifestent avec des intensités variables, d’autres sont heureusement typiques (érythème migrant, maux de tête, fièvre, affaiblissement du système immunitaire) et permettent d’identifier la maladie, mais ils ne sont pas systématiques. L’érythème migrant qui annonce à coup sûr la borréliose n’apparaît que dans un cas sur deux (la maladie de Lyme est une borréliose, maladie infectieuse causée par des bactéries véhiculées et transmises à l’homme par les tiques et les poux).

Quand le diagnostic n’arrive pas


Certains médecins traduisent les symptômes en des manifestations psychosomatiques d’une dépression, d’autres voient leurs patients comme des hypocondriaques ; la vision psychiatrique s’impose faute de parvenir à la formulation d’un diagnostic clair.

Dans le livre de Roger Lenglet et Chantal Perrin, on découvre que c’est ce qui est arrivé à Yannick qui, en 2014, alors que la maladie était manifeste (il présentait un érythème migrant), a été séparé de ses parents. Un psychiatre évoquait chez eux un syndrome de Münchhausen par procuration – ils fantasmaient des problèmes de santé chez leur enfant pour pouvoir l’emmener chez le médecin…. Yannick a quant à lui été qualifié de capricieux, de simulateur ou de paresseux par des pédopsychiatres ; jusqu’à ce qu’un médecin pose le diagnostic et le guérisse en quelques semaines.

L’inertie des autorités


Les autorités françaises peinent à regarder la maladie de Lyme en face et s’accrochent à des chiffres qui ne reflèteraient pas la réalité. La différence entre les chiffres officiels et ceux avancés par certains spécialistes est majeure. Et pas seulement en France. Aux Etats-Unis, en 2013, le nombre de cas officiel est passé de 30 000 à… 300 000 ! Une information fournie par le CDC (Center for Disease Control). Une multiplication du nombre par dix surtout due à des méthodes d’évaluation plus performantes. Et des spécialistes vont bien plus loin en avançant 1 à 2 millions de nouveaux cas par an aux États-Unis. Idem en France, les chiffres sont dénoncés par beaucoup comme très inférieurs à la réalité et nous n’avons pas revu les chiffres depuis de très nombreuses années. Les méthodes d’évaluation restent plus qu’imparfaites en France (certains tests, négatifs en France, sont positifs en Allemagne, pays où le taux officiel admis de personnes atteintes chaque année est très nettement supérieur). Des caractéristiques essentielles de la maladie de Lyme lui permettent de passer inaperçue : les borrélies (bactéries responsables) présentent des souches non détectées par certains tests (en France, le test Elisa).

La Maladie de Lyme, aussi appelée la Grande imitatrice, peut se cacher derrière de nombreuses maladies chroniques (fibromyalgie, syndrome de fatigue chronique, lupus, maladie de Crohn, etc.).

Les bons réflexes


La prévention reste le plus sûr moyen de ne pas être infecté. Dans le livre, le chapitre « Bons réflexes et solutions » donne de nombreux conseils pour éviter une morsure ou pour retirer une tique accrochée sans l’arracher ou sans utiliser de produits comme l’éther ou l’alcool (les tiques dans ce cas « régurgitent » et contaminent la personne). Une « aide au diagnostic clinique » peut s’avérer être un outil précieux pour chacun et pourquoi pas, pour les médecins.

Cette enquête, si elle ne rassure pas, a le mérite d’informer sur cette maladie, et du coup de nous rendre vigilants.

L’AFFAIRE DE LA MALADIE DE LYMEL-affaire-de-la-maladie-de-Lyme – Une enquête, de Roger Lenglet et Chantal Perrin, aux éditions Actes Sud, coll. « Questions de santé » ; 160 pages, 19,80 € (avril 2016).