Recrudescence inquiétante des IST

Recrudescence inquiétante des IST
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Au secours, les infections sexuellement transmissibles (IST), dont certaines sont graves, repartent à la hausse ! En cause : des rapports sexuels non protégés et un dépistage insuffisant.
  MST ou IST ? Aujourd’hui, les autorités de santé préfèrent parler d’infections sexuellement transmissibles plutôt que de maladies sexuellement transmissibles parce que le terme de « maladie » sous-entend que l’on présente des symptômes et n’incite pas au dépistage. Or, on peut être porteur d’une IST sans le savoir. Mais quelle que soit leur appellation, leur explosion, constatée en métropole et en outre-mer depuis quelques années, constitue un gros problème de santé publique.  

Explosion de chlamydia et de gonocoques

Les statistiques de 2017 et 2018 ne sont pas encore complètes mais tout laisse à penser que les infections sexuellement transmissibles continuent d’augmenter. D’après une enquête réalisée auprès des laboratoires de biologie médicale publics et privés et publiée par l’agence nationale Santé publique France en juillet 2018, le nombre d’infections à Chlamydia trachomatis, ou chlamydioses, est passé de 77 000 cas en 2012 à près de 268 000 en 2016. Et les infections à gonocoques, encore appelées blennorragies ou « chaudes-pisses », de 15 000 cas à presque 50 000. Autrement dit, le nombre de ces IST a plus que triplé en seulement 4 ans ! Des chiffres élevés par rapport à d’autres pays européens et pourtant sous-estimés car ils ne prennent évidemment pas en compte les personnes qui n’ont pas consulté et ne se sont pas fait dépister. Ces deux infections sont en effet très souvent « silencieuses » et ne donnent pas de symptômes, notamment chez les femmes. L’enquête montre aussi que les infections à chlamydia touchent majoritairement les jeunes femmes de 15 à 24 ans, en particulier en Île-de-France et en Guadeloupe. Or, les conséquences d’une infection non diagnostiquée et non traitée peuvent être graves, en particulier pour les femmes désirant procréer : grossesse extra-utérine voire stérilité définitive. Les infections à gonocoques sont, elles, en augmentation surtout chez les hommes.

Le retour de la syphilis

Les autres IST sont également en hausse, même la syphilis qui avait presque disparu au début des années 2000. Elle fait son grand retour, principalement chez les homosexuels mais pas seulement, et on estime que 15 % des contaminations sont dues à des pratiques oro-génitales. Le nombre d’infections à Papillomavirus, qui peuvent provoquer des cancers, essentiellement du col de l’utérus (3 000 nouveaux cas par an) ne diminue pas. Pour le sida, les dernières données publiées en mars de cette année font état d’une stabilité, depuis 2010, des découvertes de séropositivité chez les homosexuels et les hétérosexuels (6 400 en 2017). Mais, malgré une offre large de dépistage, dans près d’un tiers des cas, ces diagnostics – et par conséquent les traitements antirétroviraux – sont trop tardifs...  

À savoir

Contrairement à ce que l’on croit parfois, les pratiques oro-génitales (fellation, cunnilingus et anulingus) ne sont pas sans risque. En effet, bactéries et virus responsables d’IST se transmettent aussi par la bouche. Une personne porteuse du virus de l’herpès génital peut ainsi contaminer son ou sa partenaire au niveau de la bouche ou des lèvres, et vice versa. Autres maladies transmissibles par la bouche : syphilis, gonococcie, chlamydiose, hépatite B, infection à Papillomavirus. Le risque de transmission du VIH est plus faible mais il existe (par le sperme ou le sang des règles). Deux conseils : pas de sexe oral en cas de blessure ou d’inflammation au niveau de la bouche, des dents ou des gencives, elles facilitent la contamination ; et ni brossage ni utilisation de fils dentaires dans l’heure qui précède une relation par voie orale, ils peuvent irriter les muqueuses et favoriser le passage des microbes. La solution : le préservatif ou, encore peu connue, la digue dentaire (à usage unique), utilisée à l’origine par les dentistes en cas d’intervention pour isoler la bouche et la salive des dents à soigner. On en trouve dans certaines pharmacies.
 

De la « chaude-pisse » au sida

Excepté quand on est dans une relation exclusive et de longue durée – à condition que les tests des deux partenaires aient été au départ négatifs –, le préservatif est de rigueur. Même si le ou la partenaire ne présente aucun signe d’infection. Ce n’est même pas une question de confiance car une infection peut passer des années inaperçue. Gare aux sites et applis de rencontres et à la pratique de la « sexualité récréative ». Une étude récente (Zava), réalisée auprès de jeunes Anglais, indique que 18 % des personnes interrogées ont eu une IST après un rapport occasionnel avec une personne rencontrée en ligne. Dans tous les cas, pas de discussion, c’est « préso » ! Les risques sont trop importants.

Infection à chlamydia

Brûlures, écoulement par la verge, l’anus ou le vagin, fièvre, douleurs au bas-ventre voire angine peuvent apparaître une à deux semaines après la contamination, mais le plus souvent l’infection ne donne pas de symptômes. Elle se soigne par antibiotiques, encore faut-il savoir que l’on est infecté. Seul moyen pour vérifier : un prélèvement à l’entrée du vagin chez la femme et de l’urètre chez l’homme (chez lui un test d’urine peut suffire). Sans dépistage, l’infection se complique : salpingite, douleurs pelviennes chroniques, grossesse extra-utérine chez la femme, stérilité chez les deux sexes.  

Blennorragie

Signes chez l’homme : difficultés à uriner, sensation de brûlures en urinant, douleurs, écoulement jaune. Mais chez la femme, rien dans la plupart des cas ; c’est ennuyeux car les complications peuvent être importantes : infection des articulations et stérilité. Là aussi, le diagnostic se fait par prélèvement ; s’il est positif, un antibiotique s’impose, associé à un traitement local (en même temps chez les partenaires pour évier une réinfection).

Herpès génital

Signes caractéristiques une semaine ou plus après la contamination : petits boutons douloureux en forme de bulles sur les organes génitaux, démangeaisons, parfois fièvre, maux de tête, de ventre et douleur en urinant. Une fois le diagnostic posé par prélèvement sur les cloques à l’aide d’un coton-tige, des médicaments spécifiques permettent de réduire la douleur, l’intensité et la durée de la crise. Mais ils n’éliminent pas le virus qui reste pour toujours dans l’organisme et peut déclencher d’autres crises. Attention en cas de grossesse : le bébé peut être infecté à l’accouchement.

Syphilis

Trois semaines en moyenne, parfois plus, après la contamination, apparaissent, sur la peau et les muqueuses, des petites plaies indolores, puis des boutons ou des petites plaques rouges sans démangeaisons. Une analyse biologique permet de détecter la bactérie en cause (un tréponème) et de traiter sans retard par pénicilline G injectable. Sinon, après quelques mois ou années, les organes vitaux sont touchés : cerveau, nerfs, cœur, artères, yeux. Mais attention, la maladie peut évoluer en silence.

Hépatite B

Elle se transmet par le sang, le sperme et les sécrétions vaginales mais il existe un vaccin efficace pour se protéger. L’information passe encore mal (voir l’encadré ci-contre) et environ 2 500 Français sont infectés chaque année par le virus. Des signes alertent mais pas toujours : fatigue, fièvre, douleurs musculaires et articulaires, nausées, diarrhées, urines foncées. On peut certes guérir spontanément mais la maladie peut aussi évoluer en cirrhose puis en cancer du foie. Les nouveaux traitements (interféron alpha injectable, antiviraux oraux) empêchent son évolution, néanmoins la maladie reste grave.

Hépatite B : vacciner bébé

En France, depuis janvier 2018, la vaccination contre l’hépatite B est obligatoire et remboursée par la Sécurité sociale et les mutuelles pour tous les nourrissons (3 doses à l’âge de 2, 4 et 11 mois). Ce qui étonne souvent les parents puisque le virus se transmet plus tard lors de rapports sexuels. Explication : le vaccin est très efficace chez le nourrisson, bien toléré et sa durée de protection est très longue, probablement à vie. Un vaccin combiné permet d’immuniser simultanément le bébé contre 5 autres maladies (diphtérie, tétanos, coqueluche, polio, infection à Haemophilus influenzae b) et ainsi de limiter les injections. La vaccination est aussi recommandée en rattrapage chez les enfants et les adolescents jusqu’à l’âge de 15 ans.
 

VIH/sida

Les petits signes, à partir de deux semaines après la contamination, sont peu parlants (fièvre, éruption cutanée, fatigue, diarrhée), puis disparaissent. La maladie apparaît plus tard quand le système immunitaire est affaibli. D’où l’intérêt du traitement d’urgence (au plus tard dans les 48 heures après les rapports) qui réduit considérablement le risque de contamination, de l’auto-test (vendu en pharmacie) et des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD). Car plus le traitement est précoce, plus il est efficace. Mais, malgré les progrès, les médicaments ne guérissent pas encore...  

VIH : prophylaxie préexposition

Il existe aussi un traitement préventif contre le VIH, la PrEP, destiné aux personnes à risque qui n’utilisent pas systématiquement un préservatif, essentiellement des homosexuels hommes. C’est aussi un outil de prévention pour les couples sérodifférents dont la personne vivant avec le VIH n’a pas une charge virale indétectable. Il s’agit d’une association de deux antirétroviraux qui bloque la multiplication du VIH dans les cellules. Un comprimé par jour, à prendre en continu ou ponctuellement avant un rapport à risque.
 

Conseils de pharmacien

Pour inciter les jeunes à se prémunir efficacement contre les IST, le ministère de la Santé a accordé le remboursement – jusqu’en mars 2024 – à deux préservatifs en latex lubrifié : Eden des laboratoires Majorelle, en boîtes de 6, 12 ou 24 (forme classique ou XL), et Sortez couverts ! de Polidis, en boîtes de 12 (taille standard). Disponibles uniquement en pharmacie sur prescription d’un médecin ou d’une sage-femme, ils sont remboursés à 60 % par la Sécurité sociale et la part restante par les mutuelles.
 

Gare au Papillomavirus !

Grâce aux recommandations faites aux femmes de faire régulièrement un frottis (prélèvement cervico-utérin), le nombre de cancers du col de l’utérus, liés à une infection par un ou plusieurs Papillomavirus humains (HPV) transmise par voie sexuelle, a bien diminué. Mais ce cancer cause encore 1 100 décès par an. C’est trop pour un cancer évitable.

Condylomes ou lésions précancéreuses ?

Une infection à Papillomavirus n’entraîne pas forcément le développement d’un cancer du col. Certains HPV peuvent rester « dormants » dans l’organisme puis disparaître spontanément. D’autres génèrent, sur les organes génitaux ou l’anus, des condylomes contagieux, appelés aussi « verrues génitales », qui n’entraînent pas nécessairement de douleurs. D’autres encore provoquent des lésions précancéreuses puis, sans traitement, un cancer. La seule façon de dépister et de traiter précocement anomalies ou lésions est d’effectuer régulièrement un frottis. En cas de condylomes, une coagulation ou un traitement chimique règle le problème mais les récidives sont fréquentes. Les lésions induites par un Papillomavirus à risque sont détruites au laser ou enlevées. Si un cancer s’est développé, le traitement dépend de son stade : hystérectomie, radiothérapie et/ou chimiothérapie.

Vaccin + frottis et test HPV

La stagnation du nombre de cancers du col est due à une mauvaise information, comme le montre une enquête CSA Research réalisée pour Roche Diagnostics France. Ainsi, 46 % des femmes ne connaissent pas au moins un des moyens de prévention de ce cancer (frottis, test HPV, vaccin). Le programme national de dépistage organisé du cancer du col, lancé cette année, vise justement à inciter les femmes âgées de 25 à 65 ans à faire des frottis régulièrement : tous les 3 ans après deux frottis annuels normaux. Pour rappel, ils sont remboursés à 100 %. Il existe aussi un test moléculaire HPV, plus fiable mais pas encore remboursé en France. L’autre stratégie est la vaccination contre les HPV, recommandée aux jeunes filles de 11 à 15 ans, puis en rattrapage jusqu’à 19 ans révolus. Le vaccin protège contre les principaux Papillomavirus, mais pas tous. Le dépistage reste donc indispensable...  

Réponses d'expert : vacciner aussi les garçons ?

Dr JOSEPH MONSONÉGO
Gynécologue, Institut du col (Paris)

Comme cela a été dit en décembre 2018, à Lisbonne, lors du dernier congrès international de l’Eurogin (European research organization on genital infection and neoplasia), de nombreux pays, dont les États-Unis et l’Australie, se sont engagés dans des stratégies globales de prévention des maladies dues aux HPV en vaccinant les filles et les garçons. Parce que ces maladies touchent également le sexe masculin et qu’il n’existe pas de dépistage. Elles entraînent des lésions précancéreuses et cancéreuses essentiellement au niveau anal mais aussi de l’oropharynx (partie du pharynx située derrière la bouche). Trois garçons ou hommes sont concernés par les cancers de l’oropharynx pour une femme. La prévention vaccinale apporte en effet chez les garçons une protection de presque 90 % pour les lésions anales et on s’attend à une protection aussi élevée pour les cancers de l’oropharynx. Mais, les études cliniques n’étant pas terminées, on ne peut encore l’affirmer avec certitude.
 

Info

• Sites à consulter (appels anonymes et gratuits) :

www.info-ist.fr 

www.sida-info-service.org (tél. 0 800 840 800)

www.hepatites-info-service.org (tél. 0 800 845 800)

www.filsantejeunes.com (tél. 0 800 235 236)

• Une appli gratuite : MSTRisk, développée par le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues français.