Combattre l’obésité à tout âge

Combattre l’obésité à tout âge
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Cette tranche d’âge est la plus touchée. Un adulte sur 5 est obèse, la majorité le devient entre 50 et 60 ans. Avant 55 ans, l’obésité féminine est plus importante que celle des hommes. Passée la ménopause, les courbes des deux sexes se superposent.
  Souvent qualifiée d’épidémie, l’obésité se propage dans tous les pays. Du bébé dans le ventre de sa mère aux quinquas en passant par l’adolescent ou la femme enceinte, elle touche toutes les générations. Près de 7 millions de Français en souffrent, leur nombre a doublé en 15 ans selon l’enquête ObEpi-Roche qui scrute le surpoids depuis 1997.

Stabilisation en vue

La bonne nouvelle est que les chiffres se stabiliseraient en France, grâce aux actions menées par les pouvoirs publics, les associations d’obèses et les groupements d’experts. Les messages du bien-manger et du bien-bouger comme les recommandations de bonnes pratiques médicales semblent donner des résultats. L’obésité est enfin considérée comme une maladie chronique à part entière qui doit être traitée comme telle pour en enrayer la progression. En matière de poids, il n’est jamais trop tard ou trop tôt pour bien faire.  

Obésité ou surpoids ? IMC et tour de taille : deux indices

D’un point de vue médical, l’obésité désigne un excès de masse grasse délétère, résultant en général d’un déséquilibre entre apports et dépenses énergétiques. Il est corrélé à l’indice de masse corporelle (IMC), c’est-à-dire au poids en kilos divisé par la taille au carré (kg/m2). On est obèse au-delà de 30 kg/m2. Mais cette définition ne tient compte ni de l’âge ou du sexe, ni de la répartition de la graisse. L’IMC n’est qu’une indication. Le tour de taille est un autre critère déterminant. Supérieur à 102 cm chez l’homme et à 88 cm chez la femme, on parle d’obésité abdominale, qui traduit l’accumulation de tissu adipeux autour du ventre, toxique pour l’organisme. À tout âge, l’obésité a des répercussions néfastes : hypertension artérielle, diabète, dyslipidémie, difficultés respiratoires, complications cardiovasculaires, atteintes articulaires, apparition ou aggravation de cancers. Sans parler de ses conséquences psychosociales : le « gros » est souvent perçu comme moins intelligent, sans volonté. Comment combattre cette maladie plus complexe qu’on ne croit ?  

Dépister l’obésité chez l’enfant

    Pour poser le diagnostic d’obésité, l’IMC ne suffit pas chez l’enfant. Il doit être interprété en le reportant dans le carnet de santé, sur les courbes de corpulence de référence des filles et des garçons de 0 à 18 ans. La lecture est immédiate lorsque la courbe sort de l’écart type standard pour entrer dans les zones de surpoids ou d’obésité. Ainsi, on peut repérer précocement le risque de développer un surpoids ou une obésité. Le suivi systématique de la corpulence est recommandé deux ou trois fois par an pour tous les enfants et les adolescents.

Gare au rebond d’adiposité après 6 ans

Physiologiquement, la corpulence varie en grandissant, mais pas n’importe comment. Jusqu’à 1 an, l’enfant s’arrondit – son IMC augmente –, puis il s’affine – son IMC diminue – jusqu’à 6 ans. À cet âge-là, il s’étoffe à nouveau et l’IMC remonte : c’est le rebond d’adiposité. Plus il est précoce, plus le risque de devenir obèse adulte est élevé. Penser que « ça va s’arranger tout seul, il mincira en grandissant » n’est pertinent que si la prise de poids ralentit. Pour infléchir la courbe, une prise en charge adaptée sera mise en place sans tarder d’autant que l’obésité de l’enfant se soigne mieux que chez l’adulte, le tissu adipeux n’étant pas encore trop incrusté ni fibrosé. La probabilité qu’un jeune obèse le reste varie entre 20 à 50 % avant la puberté et entre 50 à 70 % après.  

Réponses d'expert : La prédisposition génétique ne suffit pas a expliquer l’obésité infantile

jean michel lecerfDr JEAN-MICHEL LECERF*
Chef du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille

Même si un enfant est un peu enrobé à 5 ou 6 ans, s’il n’est pas dans les « clous », il paraît normal aux yeux de ses parents. Certains ne veulent pas voir que leur enfant est gros par peur qu’on leur demande de réagir ou parce que la représentation du gros dans l’inconscient collectif leur est insupportable. C’est ce qui explique autant de retards de diagnostic chez les enfants.

À ces parents comme aux autres adultes, obèses ou non, il faut expliquer que la prédisposition génétique n’explique pas à elle seule la prise de poids conduisant à l’obésité. C’est un cocktail de facteurs et d’événements déterminants qui favorise le stockage des graisses. Des habitudes alimentaires inadaptées sont incriminées, tout comme le stress ou le manque de sommeil qui poussent à chercher compensation dans la nourriture. Citons encore l’arrêt du tabac, la grossesse, la ménopause, une séparation, une dépression, les régimes amincissants restrictifs, certains médicaments… Les traumatismes conscients ou refoulés (viols, incestes) peuvent aussi être mis en cause. Quel que soit l’âge du patient, chaque cas d’obésité est particulier à comprendre et à accompagner.

*Auteur de À chacun son vrai poids, la santé avant tout, éd. Odile Jacob.
 

Accompagner les ados ou les jeunes adultes obèses

  Si les 17-24 ans obèses sont de plus en plus nombreux, une alimentation trop grasse et trop sucrée ainsi que la sédentarité en sont souvent responsables. À cette période de l’existence, s’ajoutent aussi des facteurs psychologiques déclenchants. Une prise en charge subtile tiendra compte des dimensions alimentaire, comportementale mais aussi environnementale.

Positiver

Comme pour toute maladie chronique, le traitement s’inscrit dans la durée avec l’expertise de diététiciens, d’endocrinologues, de psychologues, d’éducateurs en activité physique adaptée, sous la coordination du généraliste ou du nutritionniste. L’objectif pour un jeune doit débuter par le ralentissement de la progression de la prise de poids. Devront suivre les étapes de la stabilisation puis de la perte de poids. « Le but du traitement de l’obésité n’est pas d’atteindre tel poids ni de fixer un nombre de kilos à perdre, explique le Dr Lecerf. La perte de poids n’est que la conséquence des changements de comportements liés à la nourriture et à l’activité physique. Il est important d’éviter d’être dans le y’à qu’à, et indispensable de privilégier la prise de conscience positive et les évolutions pas à pas. »  

Réponses d'expert : Une cure thermale spéciale pour les jeunes obèses

NATHALIE NÉGRONATHALIE NÉGRO
Diététicienne, responsable du centre nutritionnel des Thermes de Brides-les-Bains

Dans le cadre d’une cure conventionnée de trois semaines, notre équipe thérapeutique a mis au point un protocole spécifique aux problèmes d’obésité chez l’enfant et l’adolescent. L’été, le centre reçoit de 200 à 250 enfants de toute la France, répartis en deux groupes : les 8-12 ans et les 13-17 ans (il y a deux fois plus de filles que de garçons). Les soins thermaux sont efficaces sur la circulation sanguine et le métabolisme notamment. Ces soins sont complétés par un programme structuré d’accompagnement global. La cure aide les jeunes obèses à amorcer une baisse de la courbe de poids et à en comprendre les raisons. Cela les encourage à changer leurs comportements, à prendre soin de leur corps, à retrouver confiance en eux, à conjuguer diététique et activité sportive au quotidien. Dans un environnement psychologique favorable et grâce à l’émulation liée au groupe, ils ne se sentent pas discriminés. Si le programme est bien suivi, ils peuvent maigrir de 5 à 9 kg en 3 semaines, en perdant de la graisse tout en fabriquant du muscle.

www.thermes-brideslesbains.fr
 

Après 40 ans, la guerre à l’obésité est déclarée

 

À savoir

Chez une femme en surpoids, la prise de poids pendant la grossesse ne devrait pas excéder 11 kg, voire 7 kg si son IMC dépasse 30 kg/m2. L’obésité chez une future maman peut nuire à sa santé mais aussi à celle de l’enfant à naître. Pratiquer une activité est recommandé, en particulier pour diminuer le risque de diabète gestationnel.
Tant sur le plan physique que psychique, l’obésité reste une pathologie invalidante. Sa prise en charge pluridisciplinaire est encore plus complexe qu’aux âges précédents tant le tissu adipeux bien incrusté a déjà fait de dégâts. « Les cellules adipeuses en trop grand nombre ne peuvent jamais disparaître, seulement diminuer, explique le Dr Lecerf, mais cette diminution est bloquée par l’inflammation et la fibrose lorsque l’obésité est ancienne et grave. Paradoxalement, bien que ce soit la pathologie la plus fréquente dans le monde, l’obésité est une maladie orpheline : on ne connaît pas de traitement efficace même si on peut améliorer la santé des malades obèses. »

Frapper à la bonne porte

Comme les moyens sont limités, même si la recherche avance, les obèses doivent se méfier de la déferlante de thérapeutiques parallèles aussi prometteuses qu’inefficaces ou dangereuses. Pour stopper l’évolution de l’obésité, la prévention et le traitement des complications associées (diabète, apnée du sommeil, hypertension) sont au centre de la prise en charge. Les médecines complémentaires n’en sont pas exclues quand elles ont fait la preuve de leurs bienfaits sur le comportement ou la perte de poids (hypnose, sophrologie, cure thermale). Le traitement consiste à modifier ses habitudes alimentaires et à faire bouger son corps, ce qui est délicat à mettre en œuvre. Aussi ne doit-on pas culpabiliser d’avoir besoin de se faire aider, mais en frappant aux bonnes portes.

Une stratégie thérapeutique spécifique


  • Méfiez-vous des produits à visée amaigrissante (coupe-faim ou brûleurs de graisse) interdits en France mais commercialisés sur Internet, en violation de la législation.

  • Pour maigrir, certains médicaments sont parfois utilisés en dehors des indications approuvées par les autorités de santé : l’efficacité et la sécurité d’emploi ne sont alors pas garanties.

  • Il n’y a pas de traitement standard ou de médicament miracle contre l’obésité, mais une nécessité d’adapter la stratégie thérapeutique à la situation individuelle.

 

Le recours à la chirurgie : le bypass gastrique est la technique la plus courante

Lorsque tout a échoué, la chirurgie bariatrique, réservée aux cas les plus graves d’obésité massive, est l’opération de la dernière chance. Elle recourt à trois techniques : l’anneau gastrique ajustable est réversible ; la sleeve gastrectomie (une partie de l’estomac est enlevée), la plus utilisée, et le by-bass (l’intestin est dérivé) sont irréversibles. Ces traitements chirurgicaux permettent une perte de l’excès de poids pérenne. Ils réduisent en outre les comorbidités, allongent l’espérance de vie et améliorent la qualité de vie physique ou sociale.

À savoir


  • Collectif national des associations d’obèses ; lutte pour la non-stigmatisation des obèses : www.cnao.fr

  • G.R.O.S. Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids : www.gros.org

  • Coordination nationale des réseaux de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique : www.cnreppop.com

  • Fonds français pour l’alimentation : www.alimentation-sante.org

  • Think Tank Obésités, lieu pour comprendre et agir sur les obésités : www.thinktankobesites.com