La prévention, meilleure ennemie du cancer

La prévention, meilleure ennemie du cancer
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Ciblant des populations spécifiques, les dépistages permettent de détecter le plus tôt possible certains cancers. Efficaces, ils optimisent les chances de guérison.

« Si le rôle de certains fac­teurs de risque dans la survenue des cancers fait encore l’objet de recher­ches, nous connaissons les actions qui permettraient de prévenir près de la moitié des cancers », indique l’Institut national du cancer (INCa) sur son site (e-cancer.fr). Ces actions, ce sont nos comportements, potentiellement nocifs, regardés comme des facteurs externes ajustables. Ainsi, le tabac, responsable de 75 000 décès par an en France, dont 45 000 par cancer, est le premier facteur de risque évitable de cancer. Sans tabac, près d’un tiers des décès pourrait être évité… Autre exemple : l’alcool, responsable de 28 000 nou­veaux cas de cancer chaque année et deuxième cause de mortalité (source INCa).

Adopter les bons réflexes « santé »

Cela va sans dire, une bonne hygiène de vie est le minimum pour mettre toutes les chances de notre côté, même si un mode de vie conforme à toutes les recommandations de santé ne constitue pas une « assurance tout risque », précise l’INCa, quand cer­­taines causes sont héréditaires (pré­­dispositions génétiques), envir­on­­nementales (expositions répétées à des toxiques) ou inconnues. La pru­dence est donc de mise : les cancers sont multifactoriels et « les mécanismes à [leur] origine ne sont pas les mêmes chez tous les individus ; c’est ce qui va expliquer pourquoi certains peuvent fumer sans développer de cancer et d’autres pas », indique le Pr David Khayat dans son livre Prévenir le cancer, ça dépend aussi de vous (Odile Jacob). Toujours est-il que pour réduire les risques, de bonnes habitudes doivent être prises : arrêt du tabac, moins d’alcool, alimentation équilibrée et activité phy­sique régulière.

Se faire dépister

Le dépistage est l’autre pan de la pré­­vention des cancers. Il optimise leur détection précoce et augmente les chances de guérison. Mais les trois programmes de dépistage organisé n’étant pas obligatoires, les taux de participation sont variables : 45,6 % pour le dépistage du cancer du sein (10,4 millions de femmes), 58,2 % pour celui du col de l’utérus (17,8 millions de femmes) et seulement 28,9 % pour le cancer colorectal (soit 20 millions de personnes), ce dernier pourcentage étant bien en des­sous des 45 % préconisés au niveau européen (INCa). Pourtant, détecté suffisamment tôt, ce cancer, responsable de 17 000 décès chaque année, peut être guéri dans 9 cas sur 10. 

Un test pour faire le point

À savoir

Un test pour faire le point. Vous vous interrogez sur l’impact de vos habitudes de vie ? Un test express de trois minutes, intitulé « Prévention cancers », est proposé sur le site e-cancer.fr. De quoi renouer avec des comportements moins risqués, avec conseils et explications à l’appui.

Info +

Avec près de 10 millions de décès en 2020, soit presque 1 sur 10, le cancer est l’une des principales causes de mortalité dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé. 40 % des cancers sont liés à notre mode de vie et à l’environnement (INCa). Les cancers les plus fréquents sont ceux de la prostate, du sein, colorectal et du poumon (INCa).

Du sain au soin, il n’y a qu’un pas

Une alimentation plus riche en fruits et en légumes permettrait de diminuer les risques de cancer de 31 % (étude Suvimax, 2003). A contrario, la malbouffe et la surcharge pondérale (associée à une augmentation du taux de plu­sieurs hormones impliquées dans la prolifération de cellules cancéreuses) seraient responsables chaque année d’environ 19 000 nouveaux cas de cancer, soit 5,4 % de l’ensemble des nouveaux cas, selon l’INCa.

Régime méditerranéen

S’il n’existe pas à proprement parler d’aliments anticancer, certains, jugés protecteurs, sont à privilégier. Parmi eux figurent, sans surprise, les fruits et les légumes (environ 400 g par jour) à faible densité énergétique, riches en vitamines et minéraux antioxydants, et en fibres. Des fibres que l’on trouve aussi dans les légumes secs et les céréales complètes. La consom­mation de fruits et de légumes est associée à une baisse du risque de cancers aérodigestif (bouche, larynx, estomac, etc.) et colorectal pour les fibres. Les produits laitiers (yaourts, fromages frais et affinés, etc.) proté­geraient également du cancer du côlon. Côté matière grasse, il convient de privilégier l’huile d’olive.

Les viandes rouges (moins de 500 g par semaine), riches en fer héminique pro-­oxydant, et les char­cu­te­ries (moins de 150 g par semaine), qui contiennent des nitrites, sont à consommer sans excès, en alternan­ce avec d’autres pro­téines animales (poissons, œufs et volaille). Fritures et barbecues devront, quant à eux, rester occasionnels.

À fond la forme !

La pratique d’une activité physique régulière (30 minutes par jour) est corrélée à une diminution du cancer du côlon, du sein (avant et après la ménopause) et de l’endomètre. Trois effets sont invoqués : une limi­tation de la masse grasse, une stimu­lation du système immunitaire et une modulation du taux de certains fac­teurs de croissance et hormones qui favorisent la prolifération cellulaire. Une étude de 2022, publiée dans le British Journal of Sport Medicine, fait le lien entre niveau plus élevé d’activité et réduction des risques de cancer du sein de 38 %. Le sport diminuerait la quantité d’œstrogènes et d’androgènes circulant dans le sang. Autre hypothèse avancée : une réduction de l’inflammation.

Hausse des cancers chez les moins de 50 ans

Dans une étude récente, parue dans Nature Reviews Clinical Oncology, des scientifiques américains observent une augmentation significative de quatorze types de cancer depuis 1990 chez les moins de 50 ans, huit étant reliés au système digestif. Parmi les facteurs de risque évoqués : la consommation d’aliments hautement transformés. Or, le régime alimentaire affecte directement la composition du microbiote intestinal, et son déséquilibre favorise la survenue du cancer colorectal.

Le dépistage, une arme de détection massive

Le dépistage vise à déceler une maladie ou une anomalie à un stade précoce chez des personnes a priori bien portantes. Il cible une population à risque moyen (sans symptômes, antécédents, pré­dispositions génétiques), à laquelle on propose un examen spécifique à intervalles réguliers. « Plus les cancers sont détectés tôt, plus les chances de guérison sont importantes », résume Frédéric de Bels, responsable du dépar­­tement prévention à l’INCa. Une démarche qui pourrait sauver des milliers de vies. Concernant le cancer du sein, lorsqu’il est détecté tôt, 99 femmes sur 100 atteintes sont toujours en vie après cinq ans ; elles ne sont plus que 26 quand il est diagnostiqué à un stade déjà avancé.

Simple et gratuit

L’État a mis en place un programme national de dépistage, entièrement pris en charge et accessible à tous. Aucune démarche à faire : les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) envoient aux personnes concernées une invi­tation à se faire dépister. Et sont relancées quelques mois plus tard si cela n’a pas été fait. À l’heure actuelle, ce programme inclut trois dépistages : cancer du sein, du col de l’utérus et colorectal. Un quatrième, pour le cancer du poumon, via un scanner thoracique, devrait prochai­nement s’ajouter, la Haute Autorité de santé encourageant le déploiement d’un programme piloté par l’INCa. « C’est la première marche vers un dépistage organisé à large échelle d’ici quatre à cinq ans », indique Frédéric de Bels. Logiquement, il devrait concerner les gros fumeurs, sevrés ou non, mais les modalités sont à préciser (catégorie d’âge, nombre de paquets par jour, durée du sevrage, etc.). Les personnes ayant un risque élevé à très élevé (antécédent personnel ou familial), qui ne relèvent pas de ces campagnes, se voient proposer une surveillance spécifique et d’autres modes de dépistage (IRM, échographie, consul­tation d’oncogénétique).

Double lecture

Le cancer du sein est le plus fréquent chez les femmes et constitue la prin­cipale cause de mortalité chez elles. 59 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, et 80 % touchent les plus de 50 ans. Le dépistage a lieu tous les deux ans et s’adresse aux femmes de 50 à 74 ans. Il consiste en une mammographie (une radio­graphie mammaire) et un examen des seins par palpation, et, si besoin, une échographie. Dans le cadre du dépistage organisé, « la mammo­gra­phie bénéficie de deux lectures, par deux radiologues indépendants, qui permettent de réduire le risque de résultats faux négatifs, dans le cas où une anomalie n’aurait pas été repérée », précise Frédéric de Bels. À partir de 25 ans, il est recommandé de faire examiner ses seins au moins une fois par an par un professionnel de santé (médecin, gynécologue, sage-femme) et de rester attentif à tout signe paraissant anormal (appa­rition d’une boule, modification de la forme ou de l’aspect des seins), auquel cas des examens complé­mentaires seront prescrits (microbiopsie, IRM mammaire, etc.).

Test à domicile

Chaque année, le cancer colorectal, ou cancer du côlon-rectum, touche 43 000 Français et est responsable de 17 000 décès. Repéré tôt, il peut être guéri 9 fois sur 10. Le dépistage, entre 50 et 74 ans, tous les deux ans, se fait au moyen d’un test rapide, remis par un médecin (généraliste, gastro-­entérologue, gyné­cologue), à réaliser chez soi. Il consiste à prélever un échantillon de selles à envoyer ensuite au labo­ratoire dont l’adresse est indiquée sur l’enveloppe. Le test peut aussi être retiré auprès de votre pharmacien ou commandé en ligne sur monkit.depistage-colorectal.fr. Des questions vous seront posées au préalable pour vérifier si ­ce dépistage vous concerne. Ce test immuno­logique permet de révéler la présence de sang dans les selles, car certains polypes et cancers provoquent des saignements minimes quasiment impossibles à détecter. Si le résultat est positif (4 % des cas), une colos­copie sera pratiquée. Cela ne signifie pas que vous avez un cancer mais il faut déterminer l’origine de cette présence de sang. « En cas de saignements évidents, il n’est pas utile de faire ce test car il sera forcément positif. Il faut consulter son médecin », détaille Frédéric de Bels. 

Frottis cervico-utérin

Le cancer du col de l’utérus est provoqué par des virus de la famille des papil­lomavirus humains (HPV), sexuellement transmissibles, à l’origine d’infections et de possibles lésions précancéreuses. Chaque année, plus de 3 000 nouveaux cas sont découverts. Un frottis cervico-­utérin doit être pratiqué par un professionnel assurant un suivi gynécologique. Il consiste à prélever des cellules du col de l’utérus au fond du vagin pour rechercher des cellules précancéreuses via un examen cyto­logique, pour les 25-29 ans (tous les trois ans, après deux contrôles consécutifs à un an d’intervalle), ainsi que la présence d’un papillomavirus à haut risque (HPV-HR) pour les femmes âgées de 30 à 65 ans (tous les cinq ans). En cas de résultat positif, cela signifie que le virus ou des cellules anormales ont été détectées et qu’il faut pratiquer des examens complémentaires. Pour faciliter l’accès à ce dépistage, « le nouveau test de dépistage APV, ou autoprélèvement vaginal, à faire chez soi, devrait être prochainement proposé », indique le responsable du département prévention à l’INCa. Le mode d’emploi est simple : une petite brossette, ou écouvillon, est introduite dans le vagin afin de récupérer quelques cellules par légers frottements. 

Suivi régulier

S’il n’existe pas de dépistage organisé pour les cancers de la peau, une certaine vigilance est de mise, surtout si vous avez un phototype à risque (nombreuses taches de rousseur, grains de beauté larges et irréguliers, peau claire, etc.). Il est conseillé de faire un auto-examen régulier de sa peau, de la tête aux pieds, tous les trois mois, et de consulter un dermatologue une fois par an. En prévention, il s’agira de ne pas s’exposer de façon excessive au soleil, de préférer l’ombre et de fuir les cabines de bronzage, responsa­bles de 400 cancers cutanés par an.

Autre exemple, les cancers de la bouche, qui n’entraînent pas de symptômes spécifiques, sont difficiles à repérer par soi-même. Aussi, tout signe inhabituel persistant plus de dix jours devra vous inciter à vous tourner vers  votre médecin traitant ou un chirurgien-dentiste. Les fumeurs et les consommateurs d’alcool devront se montrer parti­culièrement vigilants.

Pas de programme national de dépistage du cancer de la prostate non plus car le bénéfice n’est pas démontré, les tests (toucher rectal et dosage de l’antigène prostatique spécifique) étant jugés insuffisamment fiables. En effet, de nombreux cancers restent asymptomatiques et les effets secondaires des traitements peuvent être importants. Toutefois, en cas de troubles urinaires ou de l’éjaculation, il faut consulter son médecin.

Filles et garçons

Conformément à la recommandation de la Haute Autorité de santé, la vaccination contre les infections à HPV concerne désormais les filles comme les garçons (de 11 à 14 ans, avec un rattrapage possible jusqu’à 19 ans). L’objectif : freiner la transmission du virus responsable de plusieurs cancers. 80 % des femmes et des hommes sont exposés au cours de leur vie, les infections pouvant persister et provoquer des lésions susceptibles d’évoluer vers un cancer plusieurs années après.
La vaccination prévient jusqu’à 90 % des infections à HPV à l’origine des cancers, indique l’INCa.

L’avis de l’expert : Optimiser les chances de guérison

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Frédéric de Bels, Responsable du département prévention à l’INCa

« L’intérêt du dépistage, c’est qu’il per­met de diagnostiquer le plus tôt pos­sible, à un stade curable, certains cancers qui seront soi­gnés avec des traitements moins agressifs et moins lourds, entraînant moins de séquelles à long terme. Il optimise ainsi les chances de guérison. Dans certains cas, il permet aussi d’éviter l’apparition d’un cancer grâce à la détection de lésions précancéreuses qui seront enlevées avant qu’elles ne se trans­forment en cancer. Mais le dépistage doit être couplé à des comportements vertueux pour sa santé, ce qui passe par de nouvelles pratiques de vie et de consommation, sans prise de risque. »