Burn out, bore out et brow out : de quoi parle-t-on ?

Burn out, bore out et brow out : de quoi parle-t-on ?
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Ces trois syndromes ont un stress professionnel chronique pour déterminant commun. Si la nature du stress inaugural est différente, les conséquences sont souvent très cousines. Décryptage.
  Le burn out, mots anglais signifiant « carbonisé », traduit bien ce que vivent les personnes qui en souffrent, au travail donc, même si les répercussions de ce syndrome d’épuisement professionnel atteignent inévitablement la sphère privée… Il a été initialement décrit pour les professions d’aide, de soins, placées dans des situations de travail émotionnellement exigeantes, où la relation à l’autre est au cœur du métier et constitue même un enjeu, parfois vital, pour celles et ceux qui exercent ce type d’activité professionnelle. Le burn out concerne bien sûr aussi d’autres domaines, comme l’enseignement ou d’autres secteurs susceptibles de mobiliser sur des valeurs très fortes.    

Surcharge

À l’origine de l’épuisement professionnel, différents facteurs de stress chronique ont été reconnus : la pression temporelle, la surcharge de travail naturellement, mais encore le faible contrôle que l’on peut exercer sur son travail (la dépendance à l’autre), l’absence d’équité, les demandes contradictoires ou le manque de clarté quant aux objectifs ou moyens. À cela s’ajoute la charge émotionnelle plus ou moins pesante en fonction des professions. Le burn out se manifeste alors de plusieurs façons, plus ou moins aiguës selon les personnes et les situations, ce qui ne facilite d’ailleurs pas son identification ! Sur le plan émotionnel, l’épuisement se traduit par un sentiment de vide, d’impuissance, une perte de confiance en soi, un pessimisme, une dépersonnalisation des actes où l’on se « rigidifie », où l’on se détache. Le travail est effectivement de moins bonne qualité dans la mesure où l’on a du mal à se concentrer, à prendre des décisions. Le comportement en pâtit, vis-à-vis de soi-même et des autres, et se manifeste par un repli, un isolement, de l’indifférence, voire une déshumanisation de la relation à l’autre, un comportement agressif. Les signes d’un burn out sont également physiques : maux de tête, troubles du sommeil, tensions musculaires. À la clé, un désengagement et une insensibilité au monde environnant.

À savoir

Lorsque la situation paraît bloquée, et que le patient se sent poussé à démissionner, une inaptitude au poste de travail peut être établie par le médecin du travail à la demande du médecin généraliste, ouvrant la voie à une rupture conventionnelle ou un licenciement. Dans les cas graves, reposant sur des faits certains, le médecin peut directement établir une déclaration d’accident de travail, en décrivant les symptômes et en rapportant les dires du patient sur le certificat médical initial. Au médecin-conseil ensuite d’accepter ou non le dossier.
   

Personnalité

Au total, le burn out peut être défini comme une érosion à la fois de l’engagement, des sentiments et de l’adéquation avec le poste. Certains individus sont plus perméables au syndrome d’épuisement professionnel qui n’est pas une maladie psychiatrique mais une spirale dangereuse puisqu’elle peut faire basculer dans la maladie, une dépression notamment. L’instabilité émotionnelle – tendance à percevoir et à construire la réalité et les événements comme étant menaçants ou problématiques –  peut jouer un rôle dans la survenue, alors plus rapide, de l’épuisement professionnel. Un caractère consciencieux, méticuleux, méthodique, persévérant est aussi un terreau plus favorable, même si ce sont évidemment les facteurs de risque liés au travail qui sont déterminants.  

Ennui

Autre risque « psychosocial » lié au travail, le bore out (de l’anglais to be bored, s’ennuyer). Ou quand s’ennuyer au travail devient douloureux : si le « trop », la surcharge de travail, créent du stress, le « pas assez » aussi… La souffrance psychique peut être durable là encore. « Le bore out est d’abord marqué par l’apathie et la perte d’élan du fait de l’absence de tâche effective ou d’une inadéquation de la tâche au regard de la compétence du salarié, entraînant une disqualification », décrit la psychologue Agnès Bonnet-Suard*. Une situation, un périmètre plus restreint, l’absence de projet, etc., que connaissent maintes personnes confrontées à une réorganisation, une rupture des frontières du métier, au sein d’un service ou de l’entreprise, peuvent être à l’origine du bore out. Un sentiment de honte, d’être payé à ne rien faire, à l’égard du regard des autres, accompagne l’épuisement émotionnel et psychique produit par l’ennui. Fatigue, troubles digestifs, insomnie, troubles du comportement émaillent le quotidien d’une personne en proie au bore out. Conséquence : un absentéisme avec une répétition des arrêts de travail ou, à l’inverse, un présentéisme excessif par rapport à la mince charge de travail, puis une souffrance psychique.
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Perte de sens

Un dernier syndrome apparenté au burn out et lié au travail, le plus récent, est le brown out (l’équivalent d’une « baisse de courant » en anglais). « Il est le résultat d’une incompréhension du système du travail dans lequel la personne évolue, où elle ne se retrouve plus : les tâches qui lui sont assignées relèvent de l’absurde », résume Agnès Bonnet-Suard. Une sorte de démission mentale, un brown out pouvant conduire à un bore out tant le sens du travail paraît s’étioler. Ou suivre un burn out lorsque la personne prend enfin en considération ses propres aspirations vis-à-vis de son activité professionnelle.  

Inverser la tendance

« Notre confort émotionnel dépend de l’adéquation entre notre sentiment intime, ce que nous en disons et le respect de nos besoins », observe-t-elle. C’est lorsque les valeurs entre soi et l’entreprise ou la situation de travail n’est plus compatible qu’apparaît la dissonance. Réprimer ses émotions, faire des efforts pour les contrôler, montrer des émotions contraires, se forcer à monter des émotions alors que l’on se sent indifférent ou faire paraître des émotions différentes de ce que l’on ressent sont autant de signes de dissonance dont il faut tenir compte pour aller mieux. Le burn out n’est pas une dépression, humeur triste et perte de l’élan vital qui mérite un traitement spécifique. Il s’agit plutôt de surmenage, d’épuisement de ses capacités physiques et psychiques… et le meilleur remède est ici le repos : l’arrêt de travail (pour « souffrance au travail ») est ici bienvenu qui permet de faire une pause, reprendre contact avec soi et de prioriser ses attentes. Un exercice (sans interruption de travail forcément) qui devra être renouvelé ensuite régulièrement pour une reconstruction pérenne. *Auteure de Reconnaître le burn-out : agir contre l’épuisement émotionnel et se retrouver (Eyrolles)