Articulations douloureuses

Articulations douloureuses
Par
Publié le
 À chaque pathologie articulaire son traitement spécifique. La priorité est de soulager puis tenter d’enrayer l’évolution de la maladie voire de restaurer les cartilages endommagés.
  Pouce ou poignet difficiles à bouger, genou ou hanche sensibles à la marche, épaule ou nuque tendues, dos douloureux… sont des symptômes indiquant que nos articulations commencent à fatiguer. Celles-là en particulier car sollicitées constamment. Elles vieillissent aussi « naturellement » et progressivement comme tous les autres organes, surtout si elles ne sont pas entretenues. Toutefois le distinguo est à faire avec un corps qui perd sa souplesse avec l’âge avec celui qui souffre de douleurs articulaires dues aux « rhumatismes » ou à des traumatismes. Quelle que soit la cause, la gêne est bien réelle.  

Une structure complexe

Une articulation mobile (genou, épaule...) ou semi-mobile (vertèbres) est une structure complexe composée d’os, de cartilages, de ligaments, de tendons, de muscles et de nerfs. Un ensemble maintenu dans une membrane fibreuse élastique, la capsule. À l’intérieur, l’extrémité des os (reliés entre eux par des ligaments) est recouverte de cartilage. Son rôle est d’amortir les pressions s’exerçant sur les extrémités osseuses et d’empêcher les frottements lors des mouvements de l’articulation. Pour cela, l’espace les séparant baigne dans le liquide synovial qui lubrifie l’articulation en permanence. Ces éléments constitutifs de l’articulation sont interdépendants ; il suffit que l’un soit altéré et le bel équilibre est rompu. La douleur survient alors à des degrés divers.

En finir avec les clichés

Les rhumatismes ne sont pas l’apanage des seniors encore moins tributaires de la météo. En revanche ils sont bien les principaux pourvoyeurs de douleurs articulaires. Le terme désigne toutes les maladies ostéo-articulaires (200 environ), aiguës ou chroniques : dégénératives, inflammatoires, infectieuses… Elles sont le premier motif de consultation et une cause majeure des congés maladie, hospitalisations, handicap.
 

Primordial, le diagnostic différentiel

Selon la localisation de l’atteinte articulaire et l’origine de son apparition (mécanique, fonctionnelle, inflammatoire, traumatique, infectieuse, dégénérative), la pathologie porte un nom spécifique. Arthrose quand le cartilage s’est dégradé. Arthrite, polyarthrite rhumatoïde ou spondylarthrite quand la membrane synoviale est atteinte. Arthrite microcristalline (chondrocalcinose, goutte) quand la cavité synoviale est touchée. Ostéoporose quand l’os se fragilise. Avec un tendon blessé, c’est la tendinite ; une entorse ou une foulure lorsqu’il s’agit des ligaments.

La cure thermale pour retrouver de la mobilité

Les douleurs ostéo-articulaires en sont la première indication. Sur un seul site, le patient bénéficie d’une prise en charge globale : soins antalgiques et myorelaxants quotidiens (applications de boues, bains et jets hydromassants, massages...), exercices en piscine favorisant une mobilisation douce du corps. Des conseils nutritionnels pour perdre du poids et de la kinésithérapie pour retrouver de l’amplitude fonctionnelle. Les effets positifs sur les douleurs, raideurs et fonction sont démontrés par de nombreuses études. Les bienfaits perdurent 6 à 9 mois après la cure, évitant la surconsommation médicamenteuse. (www.medecinethermale.fr)
  Lors de l’interrogatoire complété par l’examen clinique, le médecin recherche les facteurs déclenchant la douleur, sa localisation, ses moments de survenue (nuit, matin au lever, montée des escaliers, sortie d’une voiture…), son intensité, sa rapidité de démarrage, sa chronicité... Les caractéristiques ne sont pas les mêmes selon l’origine – mécanique ou inflammatoire – des douleurs. En cas de doute entre une arthrose et une arthrite par exemple, le recours à l’imagerie, à un bilan sanguin, parfois à une ponction du liquide synovial, affine le diagnostic. Plus il est précis, différencié et précoce, plus la stratégie thérapeutique sera efficace.

À savoir

•1 Français sur 2 – dont 1 jeune sur 3 (18-24 ans) – a des douleurs articulaires.

•Plus de 12 millions de personnes souffrent de « rhumatismes » : 10 millions d’arthrose, 600 000 de rhumatismes inflammatoires chroniques dont 200 000 de polyarthrite rhumatoïde et 4 000 enfants d’arthrite juvénile.

•¾ de ceux qui ont des douleurs articulaires pâtissent de leur retentissement quotidien sur le sommeil, les loisirs, la vie professionnelle, familiale, conjugale.

(Sources: Inserm, Ensemble contre les rhumatismes)
 

Une panoplie de traitements qui font du bien 

  L’éventail thérapeutique est pluridisciplinaire : de l’allopathie aux biothérapies en passant par la médecine thermale, l’acupuncture, la pose de prothèses et autres thérapies complémentaires, seules ou associées. Ces approches, pharmacologiques ou non, se combinent souvent à une rééducation posturale, parfois aussi à une hygiène de vie revisitée (arrêt du tabac, alimentation délétère corrigée, activité physique obligée). La prise en charge doit s’inscrire dans une vision globale de la personne souffrante. Les traitements actuels ont des effets bénéfiques sur les symptômes douloureux des principales maladies ostéo-articulaires les générant. Décryptage des deux plus fréquentes.

Conseils de pharmacien

Certains patients nous demandent comment remplacer les anti-inflammatoires par les médecines douces, pallier les effets de la cortisone, ou nous interrogent sur l’intérêt des compléments alimentaires ou du régime acido-basique sur les rhumatismes… Les questions sont légion sur ces pathologies qui font encore peur. Nous avons un vrai rôle à jouer pour rassurer, expliquer sans relâche, par exemple en quoi il est essentiel de respecter strictement la prise de méthotrexate sur un jour par semaine pour éviter le surdosage, ou de ne pas arrêter un traitement de fond sans en parler à son médecin.
 

Arthrose : antalgiques, cure thermale & orthèses

Cette pathologie de dégénérescence des cartilages qui conduit à l’autodestruction de l’articulation survient avec l’âge dans la majorité des cas, mais pas seulement. Les microtraumatismes de la vie professionnelle et sportive, lors des mouvements répétitifs sollicitant fortement les articulations, en sont aussi à l’origine. Ainsi que des séquelles de fracture ou d’entorse. Un surpoids important, une prédisposition génétique, mais aussi une musculation insuffisante, la sédentarité sont autant de facteurs favorisants, avec le fait d’être une femme. L’arthrose, souvent hormono-dépendante, se déclare à la ménopause. Elle est ainsi la maladie articulaire la plus répandue. Colonne vertébrale, doigts, pouce (rhizarthrose), genou (gonarthrose), hanche (coxarthrose), pied sont les articulations les plus touchées. Gêne fonctionnelle à la marche et lors de l’activité physique en sont les signes révélateurs, souvent calmés au repos. La douleur, aggravée par le mouvement et l’effort, est dite mécanique.   Maladie insidieuse, l’arthrose met plusieurs années à s’installer, évoluant lentement avec des rémissions de plusieurs mois entrecoupées de poussées douloureuses. La répétition des crises, dont certaines sont inflammatoires, dégrade le cartilage encore plus vite. Des gonflements (mains, genoux) apparaissent ainsi que des déformations dues aux lésions du cartilage et aux modifications osseuses. Parfois avec des épanchements de synovie, ce qui la fait ressembler à une arthrite. Une ponction intra-articulaire fera la différence. Que faire ? Consulter dès les premiers symptômes et ne pas attendre que des raideurs persistantes, la perte de mobilité et une fatigue extrême ne s’installent. On ne sait pas encore stopper une arthrose mais on sait la soulager de mieux en mieux par l’utilisation à bon escient d’une panoplie thérapeutique diversifiée. • Antalgiques prescrits par paliers sur une courte durée : du plus simple (paracétamol) aux dérivés morphiniques (à n’utiliser qu’exceptionnellement). • Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Parfois en première intention lors de poussée congestive. Par voie orale ou locale (pommade, gel, spray...). • Anti-inflammatoires stéroïdiens par injections de corticoïdes dans l’articulation lors de douleurs rebelles aiguës. • Infiltrations d’acide hyaluronique ou viscosupplémentation en traitement symptomatique de la gonarthrose. Ce qui améliore la lubrification du liquide synovial et soulage pendant 6 mois voire plus. • Anti-arthrosiques d’action lente en cure de 3 à 6 mois à renouveler : chondroïtine, glucosamine, insaponifiables de soja ou d’avocat. • Orthèses : simples, dynamiques ou d’immobilisation, elles soulagent, maintiennent, corrigent le mouvement tout en diminuant les pressions. Les cannes, les semelles orthopédiques sont des aides techniques pour éviter le surmenage de l’articulation malade. • Chirurgie : avec une articulation détruite, l’arthroplastie est le dernier recours. Les prothèses sont performantes : 120 000 de hanche ont été posées en 2015 (dont 62% dues à l’arthrose). La recherche s’oriente vers des traitements ciblés visant à enrayer la progression de la maladie. Plusieurs pistes thérapeutiques sont en cours d’évaluation. • La thérapie cellulaire pour réparer le cartilage : cellules souches injectées directement dans le genou arthrosique (projet européen Adipoa). Les essais cliniques de phase 1 et 2 donnent des résultats encourageants. • Les biothérapies pour stimuler la production de cartilage ou d’os. Les essais cliniques sur les anticorps anti-NGF sont en phase 3. Ces médicaments sont attendus pour 2020-2021 pour l’arthrose du genou et de la hanche. Autre biothérapie étudiée : la sprifermine, un facteur de croissance qui, injecté en intra-articulaire, stimulerait la production de cartilage.

Oser parler

La douleur articulaire peut être aiguë, brutale, chronique, lancinante – d’où l’importance de savoir la décrire afin que le médecin puisse l’interpréter. Un guide pratique* de discussion patient-médecin a été créé par l’Andar (Association nationale de défense contre l’arthrite rhumatoïde) et Lilly France pour aider les patients atteints de PR à exprimer aux professionnels de santé qui les accompagnent l’impact de la maladie sur leur quotidien. Un réel plus car il y est question d’être humain souffrant et non plus d’une maladie parmi d’autres. Ressenti, fatigue, sexualité, y compris les aspects positifs et négatifs de leur prise en charge : rien n’est éludé. En abordant des thématiques sortant du champ clinique conventionnel, ce guide permet au patient qui n’arrive pas à s’exprimer de « libérer sa parole » par écrit afin de construire une meilleure relation avec les équipes soignantes.

* Téléchargeable sur www.polyarthrite-andar.com et www.lilly.fr (rubrique PR)
  Polyarthrite : méthotrexate & biothérapies « À l’inverse de l’arthrose qui est une pathologie du cartilage, les arthrites (gonflement inflammatoire d’une ou de plusieurs articulations) représentent un groupe de maladies beaucoup plus large : arthrites infectieuses (bactérienne, virale...), microcristallines (goutte, chondrocalcinose) ou inflammatoires (spondylarthrite, rhumatisme psoriasique, polyarthrite rhumatoïde…), avec des causes multiples : génétique, familiale, et/ou environnementale, explique le Dr Sabrina Dadoun, rhumatologue. Les arthrites microcristallines ont peu en commun avec l’inflammation auto-immune de la polyarthrite ou de la spondylarthrite. » La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC), surtout chez la femme à partir de 40 ans. Elle peut débuter entre 20 et 40 ans, et même frapper l’enfant différemment (arthrite juvénile). Cette maladie inflammatoire auto-immune touche plusieurs articulations en même temps (doigt, cheville, avant-pied, poignet, genou, coude, parfois nuque). Elles sont gonflées, enflammées, chaudes. La douleur survient la nuit, avec une raideur le matin imposant un dérouillage souvent supérieur à 30 minutes. D’habitude, l’inflammation est le signe que nos défenses naturelles agissent contre une agression extérieure. Lorsqu’il y a dysfonctionnement, le système immunitaire ne reconnaît plus certains organes ou cellules, il produit alors des anticorps contre eux. Dans la PR, la principale cible est la membrane synoviale qu’il attaque et détruit. Le diagnostic est établi par un ensemble de signes cliniques, biologiques et d’imagerie dont l’échographie (dès le stade précoce) et par la présence dans le sang de taux élevés de facteurs rhumatoïdes et d’auto-anticorps spécifiques (anti-CCP). La maladie évolue par poussées imprévisibles, accompagnées de douleurs intenses aboutissant progressivement à des destructions et déformations irréversibles si aucun traitement n’est entrepris. Que faire ? Face à des douleurs articulaires subites, il faut consulter impérativement son généraliste. S’il suspecte un RIC, il doit, selon les recommandations de la HAS, diriger son patient chez le rhumatologue dans les 6 semaines suivant le début des symptômes. Selon la sévérité de la maladie, son évolution et la façon dont répond le patient aux traitements de fond, les stratégies thérapeutiques s’organisent autour de deux types de médicaments. • Les traitements symptomatiques soulagent les douleurs et poussées inflammatoires : antalgiques de niveau 1 et 2, AINS ; parfois une corticothérapie, à la plus petite dose possible. Toujours associés à un traitement de fond. Au besoin, mise au repos des articulations par des orthèses. • Les traitements de fond en prévention des poussées et des destructions articulaires et obtenir la rémission. « Dans une PR active, la référence reste le méthotrexate en première intention, indique le Dr Dadoun. Il fait régresser l’inflammation et prévient la déformation. Quand il convient, on en reste là. S’il y a échec ou échappement, avec présence de signes de sévérité, une biothérapie prend le relais ou s’y associe. » Cette thérapie, issue des biotechnologies, bloque le processus inflammatoire destructeur en s’attaquant aux molécules responsables. Plusieurs familles de biothérapies sont disponibles : anti-TNF-alpha, anti-interleukines, anti-lymphocytaires en auto-injection ou perfusion. Leur efficacité est assez similaire. Le choix de la biothérapie est une discussion partagée entre le médecin (qui appliquera les recommandations) et le patient (qui préférera une certaine fréquence de prise et un type de d’injection). Les bienfaits se mesurent en quelques semaines. En cas d’échec, la prescription est réajustée ; une autre biothérapie est tentée. C’est avec la PR que les progrès ont été les plus spectaculaires ces dernières années, les biothérapies ayant révolutionné sa prise en charge et transformé son pronostic.

Réponses d'expert : possibilité du double suivi

Dr Sabrina Dadoun,
Rhumatologue, membre de la Société française de rhumatologie

Concernant l’accès aux soins, les biothérapies ne sont prescrites qu’à l’hôpital, en clinique ou dans un centre spécialisé. De manière optimale, le patient s’y rend une fois par an pour le renouvellement de sa biothérapie (ou un changement de traitement) et peut en profiter pour consulter une infirmière spécialisée, un kinésithérapeute et envisager d’intégrer un programme d’éducation thérapeutique. Le reste du temps, le suivi est assuré par son rhumatologue libéral. Le double suivi est parfois mis en place pour les patients qui le souhaitent afin de leur éviter de venir à l’hôpital tous les trois mois, ce qui n’est pas nécessaire quand ils sont bien équilibrés. L’objectif est de coupler soins de proximité et suivi régulier, avec une prise en charge optimisée. Dans certains cas, en présence de maladie sévère ou de comorbidité, un suivi hospitalier complet peut être préférable.