Douleurs articulaires : plutôt arthrose ou arthrite ?

Douleurs articulaires : plutôt arthrose ou arthrite ?
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Très handicapants, les rhumatismes inflammatoires chroniques se traitent heureusement de plus en plus efficacement grâce aux biothérapies, dont les premières sont apparues il y a plus de vingt ans.

Quand on commence à avoir mal, sans raison apparente, à une ou plusieurs articulations, on pense forcément à de l’arthrose, surtout à partir de la soixantaine. C’est en effet souvent le cas mais d’autres pathologies s’attaquent aussi aux articulations, principalement l’arthrite ou, plus exactement, les arthrites car il en existe une centaine. Au départ, on peut confondre mais le médecin sait rapidement faire la distinction, sans même avoir besoin d’un scanner ou d’une IRM, des examens qui ne fournissent d’ailleurs pas d’informations utiles pour la suite.

Des causes différentes

Tout d’abord, les arthrites, également appelées « rhumatismes inflammatoires chroniques », dont les plus fréquentes sont la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante, surviennent en général plus précocement que l’arthrose, même dans l’enfance. En France, quelque 4 000 enfants de moins de 16 ans souffrent d’arthrite chronique juvénile, une forme très douloureuse et très handicapante. Ensuite, les causes des arthrites ne sont pas les mêmes que celles de l’arthrose. Alors que plusieurs facteurs connus favorisent l’arthrose – en tête le vieillissement, la surcharge pondérale et les traumatismes articulaires liés à la profession ou à la pratique intensive ou inadaptée d’un sport –, les arthrites, elles, ont des origines infectieuses, métaboliques et surtout immunitaires. Les douleurs ont aussi des caractéristiques qui ler sont propres : une poussée d’arthrose est très souvent déclenchée par la mise en charge ou la mobilisation de l’articulation en question et calmée par le repos ; dans l’arthrite, la douleur est inflammatoire (rougeur, chaleur, enflement), survient notamment la nuit (surtout en fin de nuit) et ne cède pas au repos. Ces deux types de maladie ayant des mécanismes très différents, elles ne se traitent pas de la même façon. Ainsi, dans les arthrites, le traitement correspond très précisément aux causes de chacune d’entre elles.

600 000 arthritiques

Les personnes arthritiques sont bien moins nombreuses que les arthrosiques : 600 000 contre 10 millions, environ. En France, en 2019, on dénombrait près de 386 000 cas de polyarthrite rhumatoïde, dont un peu plus de 318 000 étaient suivis médicalement (enquête Épi-Phare). Avec 7 000 à 10 000 nouveaux cas par an, dont 75 % de femmes. À l’inverse, les hommes sont plus nombreux à être atteints de spondylarthrite ankylosante. Au moins 180 000 Français en souffrent, mais ils sont probablement plus car tous ne sont pas bien diagnostiqués.

Polyarthrite rhumatoïde et enfants

La polyarthrite rhumatoïde est rare chez l’enfant mais elle existe. Les familles sont le plus souvent démunies et mal informées. Si vous êtes concernés, rendez-vous sur le site de Maladies Rares Info Services (maladiesraresinfo.org) ou téléphonez au 01 56 53 81 36. Une équipe de professionnels de santé répondra à toutes vos questions.

L’effet de l’âge

10 millions de Français souffrent d’arthrose : 65 % des plus de 65 ans, et 80 % des 80 ans et plus. Mais aussi 3 % chez les moins de 45 ans.

* Source : Société française de rhumatologie.

L’arthrose, banale mais douloureuse

Toutes les articulations peuvent être concernées par l’arthrose mais certaines le sont davantage : cou, vertèbres lombaires et mains. Après 40 ans, l’arthrose cervicale, presque toujours visible sur les radios, ne s’accompagne pas forcément de symptômes. Elle peut cependant provoquer des raideurs et des cervicalgies. En revanche, dans l’arthrose lombaire, les douleurs sont souvent quotidiennes et s’amplifient au cours d’activités physiques ou lors de positions statiques gardées trop longtemps (debout, assis, à genoux). L’arthrose des mains, très fréquente chez les femmes après la ménopause, se traduit par des douleurs et des déformations au niveau des dernières phalanges des doigts ou de la racine du pouce (rhizarthrose). L’arthrose du genou (gonarthrose), moins courante et qui touche en majorité les femmes après la quarantaine, entraîne des douleurs, surtout lors d’activités physiques, en marchant, en montant ou en descendant un escalier. L’arthrose de la hanche (coxarthrose), elle, se manifeste en général vers 60 ans par des douleurs au niveau du pli de la fesse ou de l’aine, le plus souvent, pouvant irradier jusqu’au genou en passant sur le devant de la cuisse. Peu fréquente, l’arthrose des pieds touche surtout les sportifs de haut niveau à cause de microtraumatismes répétés. Mais elle peut aussi concerner tout un chacun après une entorse ou une fracture de l’articulation, ainsi que les personnes atteintes de malformations, en particulier d’un hallux valgus (oignon du pied).

Vieillissement et surpoids

Si l’arthrose n’a pas de cause directe, des facteurs favorisent cependant sa survenue ou son aggravation. Malheureusement, tous ne sont pas évitables, tels que le vieillissement et l’hérédité. Il existe des arthroses familiales diffuses : l’arthrose des mains et, dans une moindre mesure, de la hanche, sont les deux localisations pour lesquelles le facteur génétique semble jouer un grand rôle. Des anomalies anatomiques responsables d’une articulation dans le mauvais axe (genoux arqués ou en X) peuvent aussi entraîner une maladie du cartilage.

En revanche, il est possible d’agir sur le surpoids et l’obésité, qui exercent une hyperpression sur les articulations. De surcroît, les cellules graisseuses sécrètent des substances inflammatoires qui atteignent les articulations via la circulation sanguine et contribuent à la dégradation du cartilage. Une personne obèse a ainsi trois fois plus de risques d’avoir de l’arthrose. Le manque ou l’absence d’activité physique retentit aussi fortement sur le métabolisme du cartilage et nuit à sa qualité. Autres facteurs de risque : les accidents sportifs importants comme une rupture du ligament croisé ou une lésion du ménisque, mais également les petits traumatismes répétés en lien avec certaines professions (carreleur pour l’arthrose du genou, couturière pour l’arthrose des doigts, ouvrier utilisant un marteau-piqueur, etc.). Mais on ne peut hélas pas toujours changer de métier.

Un cartilage détruit

Sous l’influence de ces différents facteurs, le cartilage se fragmente et les débris entrent en contact avec la membrane synoviale (qui contient la synovie, un liquide lubrifiant l’articulation et nourrissant le cartilage), essentielle pour faciliter le mouvement de l’articulation. C’est ce qui déclenche la réaction inflammatoire, aggravant encore le phénomène de destruction. Le cartilage ne pouvant alors plus remplir son rôle – assurer le glissement des os l’un sur l’autre sans frottements –, les mouvements deviennent douloureux. L’arthrose n’est donc pas la conséquence d’une usure mais d’une destruction progressive du cartilage.

Le conseil du pharmacien : Des aides utiles

L’arthrose ne nécessite pas toujours la pose d’une prothèse (hanche, genou) mais une canne en T et le port de semelles, de genouillèreset autres orthèses peuvent s’imposer. Tout comme des antalgiques (hors paracétamol, inefficace) et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Les patchs et gels anti-inflammatoires n’ont pas les effets indésirables des AINS. Un cran au-dessus, les infiltrations de cortisone ou les injections d’acide hyaluronique. Les compléments alimentaires à base de plantes aux vertus anti-inflammatoires et antalgiques (harpagophytum, boswellie, reine-des-prés, curcuma, vergerette, etc.) peuvent rendre service, de même que le collagène marin et certains oligoéléments (cuivre surtout). Exemples de produits : CartidolTM et PhytocartilageTM (PhytoResearch), ArticulårTM (New Nordic®), Curdilage (Codifra), Ostéocalm® (Dielen), Flexofytol® (Tilman®), roller Articulations & Muscles (Puressentiel), huile de massage Arti’Relax (Ladrôme), gel articulations (Phytosun Arôms).

Perdre du poids et bouger

Les arthrosiques sont trop souvent passifs, déplorent les rhumatologues. Il faut, au contraire, garder des activités physiques modérées mais régulières (une demi-heure, trois à quatre fois par semaine) pour renforcer les muscles et accroître la stabilité des articulations. Toujours en dehors des poussées inflammatoires et adaptées à la localisation des douleurs : marche, natation et aquagym, vélo. Un travail centré sur les articulations avec un kinésithérapeute ou un médecin de médecine physique et de réadaptation est très utile. Autre impératif en cas de surpoids ou d’obésité : perdre des kilos. Après une perte de 5 % de son poids, on ressent déjà un bénéfice sur la douleur et la mobilité. 

Polyarthrite et autres arthrites auto-immunes

Si la polyarthrite rhumatoïde commence à être connue, on ne sait pas toujours que c’est une maladie auto-immune. En clair, les défenses immunitaires, chargées normalement de chasser les intrus (comme les virus) de l’organisme, se retournent à tort contre lui. Dans la polyarthrite, elles fabriquent des auto-anticorps dirigés contre la membrane synoviale des articulations. Celle-ci s’enflamme et cette inflammation entraîne son épaississement et une production excessive de synovie. Sans traitement, les articulations et les structures alentour se détruisent au fil des poussées : le cartilage s’érode et s’amincit, les os se détériorent et se déminéralisent, les tendons et les ligaments se fragilisent au risque de se rompre. Les raideurs matinales qui obligent à « se dérouiller » et les douleurs – d’abord au niveau des doigts et des poignets – sont très difficiles à supporter.  

Un dérèglement immunitaire

Plusieurs facteurs favorisent la survenue de la maladie : un dérèglement du système immunitaire d’origine inconnue et une prédisposition génétique fortement liée au sexe. Les femmes sont en effet trois fois plus touchées que les hommes. Les hormones jouent un rôle protecteur, ce qui explique l’apparition fréquente de la maladie à la ménopause et, lorsque la maladie survient plus tôt, les rémissions observées au moment de la grossesse, suivies de poussées après l’accouchement. Autres facteurs influant l’apparition de la pathologie, le tabagisme (les fumeurs sont plus souvent touchés et plus difficiles à traiter), mais également les événements difficiles de la vie (deuil, séparation, etc.) qui semblent faciliter le déclenchement de la maladie ou d’une poussée.

La révolution des biothérapies

Aujourd’hui, quand les médicaments classiques, antalgiques, AINS, corticoïdes et méthotrexate (en traitement de fond) ne suffisent pas à soulager les douleurs ou sont mal supportés, place aux biothérapies, bien plus efficaces, dont l’arrivée au début des années 2000 a profondément changé la vie des malades. Elles sont d’ailleurs de plus en plus prescrites – en premier à l’hôpital puis en médecine de ville malgré leur coût très élevé, dû à la complexité de leur fabrication. Les anti-TNF alpha, les anti-interleukines, les antilymphocytaires et les inhibiteurs des Janus kinases – en injection sous-cutanée, par voie orale ou en intraveineux selon les produits – ont en effet une action plus ciblée et permettent de restaurer la mobilité et de stopper ou ralentir l’évolution de la maladie. Plus le traitement est précoce, mieux la pathologie peut être contrôlée.

Pour la spondylarthrite aussi

La spondylarthrite ankylosante, qui survient le plus souvent entre 20 et 30 ans, est aussi une affection auto-immune, à forte prédisposition génétique, qui bénéficie des biothérapies. Elle débute par des douleurs irradiantes dans le bas du dos ou les fesses pouvant faire penser à une sciatique. Après l’atteinte puis l’enraidissement des articulations du bassin et du rachis, les douleurs peuvent s’étendre au thorax, aux bras et aux jambes, et l’inflammation peut gagner les yeux ainsi que d’autres organes. Mais l’évolution est lente.

Le lupus systémique, qui peut aussi affecter la peau, et le rhumatisme psoriasique, deux autres rhumatismes inflammatoires chroniques d’origine auto-immune, peuvent également nécessiter un traitement par biothérapie, mais uniquement dans les formes graves, qui restent assez rares.

Des cures thermales adaptées

Soins quotidiens, massages, bains, vapeurs, exercices en bassin, boues, douches à forte pression, etc. Les patients souffrant d’arthrose ou d’arthrite tirent bénéfice des cures conventionnées effectuées dans les stations ayant l’agrément « rhumatologie » : Aix-les-Bains, Ax-les-Thermes, Balaruc-les-Bains, Bourbon-Lancy, Bourbonne-les-Bains, Chaudes-Aigues, Dax, Rochefort, etc. Celle du Mont-Dore a concocté des cures spéciales gonarthrose et prothèse de hanche. Barbotan-les-Thermes et Allevard proposent, en sus de la cure rhumatologie de trois semaines, un module spécifique polyarthrite rhumatoïde ou spondylarthrite ankylosante (non pris en charge).

Infos +

- Associations : Association nationale de défense contre la polyarthrite rhumatoïde polyarthrite-andar.com ; Association française des polyarthritiques et des rhumatismes inflammatoires chroniques polyarthrite.org ; Association France spondylarthrites spondy.fr ; Association contre les spondylarthropathies-France acs-france.org ; Kourir, association regroupant des parents d’enfants et adolescents atteints d’arthrite juvénile et autres maladies rhumatismales kourir.org ; Lupus France lupusfrance.com ; Association française de lutte antirhumatismale aflar.org

- Livres écrits par des spécialistes hospitaliers, disponibles sur le site internet fondation-arthritis.org, dont les droits d’auteur sont reversés à la Fondation Arthritis qui aide la recherche contre la polyarthrite rhumatoïde, le lupus, le Gougerot Sjögren, et la spondylarthrite.