Quand l’obésité rend malade

Quand l’obésité rend malade
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La diététique est nécessaire mais n’est jamais suffisante car les causes de l’obésité ou les facteurs favorisants diffèrent d’une personne à l’autre et sont souvent intriqués. C’est au cas par cas.

Selon une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de 2020, si le pourcentage de Français en surpoids semble toujours fluctuer autour de 30 %, le nombre d’obèses, lui, ne cesse d’augmenter à un rythme rapide, de 8,5 % en 1997 à 17 % en 2020, du fait d’une forte augmentation chez les jeunes. L’obésité a été multipliée par plus de quatre chez les 18-24 ans et par près de trois chez les 25-34 ans, avec une répartition inégale sur le territoire : plus de 20 % dans le Nord et le Nord-Est, et moins de 14,5 % dans les Pays de la Loire et en Île-de-France.

Apports et dépenses d’énergie déséquilibrés

Les principales causes de cette explosion sont connues : un changement de rythme de vie et d’alimentation, et une réduction importante de l’activité physi­que. Lorsque les apports et les dépenses énergétiques du corps sont équilibrés, le poids reste stable, mais lorsque l’énergie appor­­tée est supérieure à celle dépen­­sée pendant une longue période, les kilos s’installent.

D’un côté, la taille des portions a aug­menté et de l’autre, la junk food (mal­­bouffe), disponible à toute heure, est très calorique, grasse, sucrée et pauvre en fibres, et les boissons prisées des jeunes très sucrées.

De l’autre, la sédentarité et le manque d’activité physique dès l’enfance ont gagné du terrain : télévision, jeux vidéo, métiers de bureau, déplacements en voiture, etc. Le corps développe alors sa masse grasse (tissu adipeux), qui est constituée de cellules graisseuses (adipocytes), indispensables à la survie, certes, mais jusqu’à un certain point seulement…

Causes multiples

Outre les troubles du comportement alimentaire comme la boulimie, d’autres facteurs influencent ce phénomène : une prédisposition génétique, certaines maladies (hypothyroïdie), certains médicaments (anxiolytiques, antidépresseurs, antiépileptiques), la grossesse, la ménopause, des nuits trop courtes, un travail posté, l’alcool, l’arrêt du tabac, etc.

Des recherches incriminent un déséquilibre du microbiote intestinal et l’exposition aux polluants. Les confinements dus au Covid-19 ont aussi favorisé la prise de poids, en particulier chez les moins de 40 ans.

Calculer son IMC

Le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC) est un moyen simple pour estimer sa masse grasse : on divise le poids (en kilos) par le carré de la taille (en mètre). Un IMC supérieur à 25 indique un surpoids, et une obésité quand il dépasse 30. Au-delà de 40, il s’agit d’une obésité massive.

À savoir

La « Mission : retrouve ton cap » (sur ameli.fr, rubrique « Remboursements – prestations et aides »), lancée par l’Assurance maladie, permet aux enfants âgés de 3 à 12 ans en surpoids ou à risque de le devenir, de bénéficier d’une prise en charge précoce (diététique, psychologique, activité physique). Ce programme, prescrit par le médecin de l’enfant, est pris en charge à 100 % sans avance de frais.

L’obésité : une situation à hauts risques

Quand les kilos s’ajoutent aux kilos, on n’a pas toujours conscience des conséquences sur la santé dix ou vingt ans plus tard… Mais les risques sont réels. Les maladies générées par l’obésité peuvent être très graves et, dans tous les cas, compliquent grandement le quotidien.

Diabète de type 2 : première conséquence

Les chiffres sont parlants : selon l’Insti­tut Pasteur de Lille, « l’obésité est le premier facteur de risque du diabète de type 2 (ou diabète “gras”) et 80 % des obèses sont diabétiques ». D’ailleurs, la hausse du nombre de personnes obèses s’accompagne toujours d’une hausse du nombre de diabétiques. Plus le poids augmente, plus la quantité de graisse dans le corps est importante et s’accumule (en particulier au niveau du ventre), et plus l’organisme a besoin d’insuline pour réguler le taux de sucre et permettre aux cellules de l’utiliser comme source d’énergie. Si le pancréas n’arrive plus à produire assez d’insuline, le taux de sucre dans le sang (glycémie) commence à augmenter : c’est le prédiabète (glycémie à jeun entre 1,10 et 1,25 g/l), puis le diabète (plus de 1,26 g/l). Le diabète de type 2 étant donc bien la conséquence d’un poids excessif, une perte de poids, même limitée, est bénéfique sur le dia­bète ou prévient sa survenue. Le jeu en vaut la chandelle car le diabète expose à des complications graves au niveau du cœur et des vaisseaux.

Maladies cardiovasculaires : gare au syndrome métabolique

Toutes les personnes obèses ne font pas un infarctus mais l’obésité accroît les risques cardiovasculaires. Plus exactement, c’est le fait de présenter plusieurs anomalies liées au surpoids, regroupées sous l’appellation « syn­drome métabolique », qui favorise les problèmes cardiaques et vasculaires. Les risques d’avoir une hypertension et des taux anormalement élevés de cholestérol et/ou de triglycérides sont augmentés. Ajouté à une hyperglycé­mie et une localisation de la graisse au niveau de l’abdomen, le syndrome métabolique entraîne des compli­ca­tions. Tout d’abord de l’athérosclérose, soit la formation de plaques d’athé­rome (graisses) sur la paroi des artères qui vont gêner ou empêcher la bonne circu­lation du sang. Puis, selon les cas, infarctus du myocarde, insuffisance cardia­que, angine de poi­trine, accident vasculaire cérébral (AVC) ou artérite des membres inférieurs.

Mesurer son tour de taille peut être un déclic pour modifier son hygiène de vie pendant qu’il en est encore temps. Pour les hommes, s’il est supérieur ou égal à 94 cm, et pour les femmes, à 80 cm, attention !  Bon à savoir : en réduisant son tour de taille de seulement 1 cm, on diminue déjà son taux de triglycérides et on augmente celui de « bon » cholestérol (HDL).

Stéatose hépatique et NASH

D’autres pathologies liées à l’obésité sont en hausse. 18 % de la population française adulte présente une stéatose hépatique, et le phénomène s’étend aux enfants et aux adolescents. Or, la stéatose hépatique est ce qui précède la NASH (acronyme anglais pour Non Alcoholic Steato­Hepatis), aussi appelée « maladie du foie gras » ou « mala­die du soda », mais sans alerter car asymptomatique. Celle-ci se traduit par une accumulation de graisses dans le foie. Si la grande majorité des personnes obèses ou diabétiques de type 2 ont un foie gras, cela peut également être le cas chez des individus minces et non diabétiques, bien que cela soit rare. La NASH aussi peut rester longtemps silencieuse ou ne se manifester que par une pesanteur en haut à droite de l’abdomen ou une fatigue générale. Le foie s’altère peu à peu, entraînant une fibrose et, de façon définitive, une cirrhose, elle aussi sans signes évocateurs pendant des années. Puis, les complications surviennent : ascite, hémorragie digestive, insuffisances rénale et hépatique, cancer du foie.
La NASH ne se développe que chez 20-25 % des personnes ayant une stéatose car nous ne sommes pas égaux devant la maladie et d’autres facteurs sont impliqués (génétique, âge, microbiote intestinal, etc.). Mais mieux vaut rééquilibrer son alimentation et pratiquer régulièrement une activité physique afin de réduire la stéatose, voire la faire disparaître, car sans stéatose, pas de NASH.

Cancers : plus fréquents et plus agressifs

Les personnes obèses l’ignorent sou­­vent, pourtant… plusieurs études attes­tent la corrélation entre obésité et cancers : sein (après la ménopause), endomètre, ovaire chez les femmes ; œsophage, carrefour aérodigestif, pancréas, foie, vésicule biliaire, rein, côlon, rectum, chez les deux sexes ; prostate chez les hommes. Et montrent que surpoids et obésité accroissent l’agressivité des cancers.

Le phénomène s’explique en partie par le fait que les adipocytes ont un rôle clé dans la progression des tumeurs. D’autres mécanismes complémentaires sont suspectés d’augmenter encore l’agressivité de certains cancers en cas d’obésité. Ainsi, des chercheurs ont découvert – sur des souris obèses – que l’obésité diminuait l’expression de la protéine p16 (suppresseur de tumeur) et une prolifé­ration cellulaire prédisposant au méla­nome, le plus grave des cancers cutanés.

Des formes plus graves de Covid-19

L’obésité induit divers autres problèmes de santé : de l’arthrose (hanches et genoux) et des lombalgies, dues à la surcharge pondérale qui pèse et fragilise les os et les articulations ; des trou­bles respiratoires : essoufflement, asthme, apnées du sommeil responsables de somnolence dans la journée et, à la longue, de problèmes cardiaques et cérébraux ; des affections vei­­neuses et rénales ; de la goutte : excès alimentaires et surpoids entraînent des dépôts de cristaux d’acide urique dans les articulations, très douloureux ; des calculs dans la vésicule biliaire avec un risque de surinfection ; un reflux gastro-œsophagien ; une transpiration excessive causant des mycoses cutanées.

Enfin, l’obésité favorise le développement de formes sévères de Covid-19. Au CHU de Lille, en 2020, 40 % des personnes décédées du virus étaient obèses. En cause, une inflammation permanente des tissus rendant le système immunitaire moins efficace, mais également des comor­bidités liées à l’obésité (diabète ainsi que maladies respiratoires et cardiovas­culaires, notamment).

L’intérêt des cures thermales

14 stations conventionnées à orientation affections digestives et maladies métaboliques prennent en charge le surpoids ou l’obésité : Brides-les-Bains, Capvern-les-Bains, Castéra-Verduzan, Châtel-Guyon, Contrexéville, Évian-les-Bains, Le Boulou, Montrond-les-Bains, Plombières-les-Bains, Thonon-les-Bains, Vals-les-Bains, Vichy, Vittel, et Cilaos (La Réunion). Une étude de l’Association française pour la recherche thermale (Afreth) a montré qu’un accompagnement spécifique (hydrothérapie, aquagym, kiné, relaxation, conseils diététiques, etc.), en plus de la cure conventionnée, est bénéfique, avec des effets qui perdurent. Mais, contrairement à la cure de base, ce complément n’est pas remboursé par l’Assurance maladie.

L’avis de l’experte

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Anne-Sophie Joly, Fondatrice et présidente du Collectif national des associations d’obèses (CNAO)*

Une maladie chronique

« En France, des progrès ont été accomplis mais il faut aller plus loin pour enrayer l’augmentation exponentielle de l’obésité. Tout d’abord en reconnaissant qu’il s’agit – à partir d’un certain stade – d’une maladie chronique, grave et invalidante. L’OMS, puis l’Italie et l’Allemagne l’ont fait. C’est la condition indispensable à une meilleure prise en charge mais aussi à l’évolution du regard de la société sur les personnes obèses. Il faudrait également adopter une stratégie globale et ambitieuse de prévention et de prise en charge de cette pathologie, faisant intervenir différents ministères (Santé, Éducation nationale, Sports, Économie, etc.). »

*cnao.fr

Les autres risques

L’obésité peut occasionner, directement ou indirectement, divers troubles gênants :

  • risque anesthésique : en cas d’intervention chirurgicale, il est important, lors de la consultation d’anesthésie, de faire le point sur les plans respiratoire et cardiaque. La prévention des phlébites postopératoires est essentielle ;
  • troubles du cycle menstruel : à des degrés extrêmes, l’obésité provoque chez les filles un avancement de la puberté, des règles plus abondantes (en raison d’une inflammation locale) ou irrégulières, parfois un arrêt, voire un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), première cause d’infertilité féminine. À l’inverse, chez les garçons, la puberté est ralentie ;
  • fuites urinaires : en augmentant la pression sur la vessie, les kilos en trop aggravent l’incontinence urinaire, en particulier à l’effort ;
  • fatigue : le diabète et d’autres maladies associées à l’obésité, comme l’apnée du sommeil ou l’hypertension artérielle, sont des causes de fatigue.

Une prise en charge individualisée

Au stade de l’obésité, les régimes ne peu­vent guère donner de résultats… La prise en charge doit être globale et individua­lisée, avec un suivi sur le long terme, car chaque personne a son parcours de vie, son âge et des pathologies liées à son obésité. Les solutions varient nécessairement selon les personnes. À ce titre, les centres spécialisés sont très utiles (voir encadré « Des centres spécialisés »). Les patients sont accompagnés pendant plusieurs années par une équipe (éducation diététique, réhabilitation à l’activité phy­sique, soutien psychologique, thérapie cognitivo-comportementale, etc.). Pour certains, il faudra privilégier l’approche psychologique et prendre en compte la dimension compor­tementale et familiale ; pour ceux qui souffrent d’obésité massive et de complications, une technique chirurgicale pourra être proposée.

Perdre 5 % par an du poids de départ

L’anneau gastrique est de moins en moins utilisé et la gastrectomie longitudinale ou sleeve (réduction de l’estomac par section verticale pour accélérer la sensation de satiété) a presque totalement supplanté la méthode du by-pass (court-circuit gastrique). Mais les programmes de recherche se poursuivent pour améliorer l’efficacité de la chirurgie bariatrique et réduire ses effets secondaires. Dans tous les cas, une activité physique régulière est indiquée, avec un objectif d’au minimum 150 minutes d’activité modérée ou 75 minutes d’activité intense par semaine. Une perte de 5 % par an du poids de départ est recommandée, avec un maintien de cette perte. Ces efforts sont toujours payants car ils font régresser les pathologies associées.

L’anneau gastrique est de moins en moins utilisé et la gastrectomie longitudinale ou sleeve (réduction de l’estomac par section verticale pour accélérer la sensation de satiété) a supplanté la méthode du by-pass (court-circuit gastrique). Mais les programmes de recherche se poursuivent pour améliorer l’efficacité de la chirurgie bariatrique et réduire ses effets secondaires. Dans tous les cas, une activité physique régulière est indiquée (au moins 150 minutes d’activité modérée ou 75 minutes d’activité intense par semaine). Une perte de 5 % par an du poids de départ est recommandée, avec un maintien de cette perte. Des efforts toujours payants car ils font régresser les pathologies associées.

Paradoxalement, lorsque l’obésité n’est pas massive, la prise en charge est plus difficile car les médecins ne reçoi­vent pas de formation adaptée durant leurs études. Si bien que les patients errent souvent d’un spécialiste à un autre selon leurs maladies – diabétologue, cardiologue, pneu­mologue, rhumatologue, etc. –, sans prise en charge globale. De même, la prévention, qui devrait commencer dès la petite enfance, est insuffisante. Or, il y a aujourd’hui urgence…

Des centres spécialisés

Il existe en France 37 centres spécialisés dans la prise en charge de l’obésité sévère ou complexe, regroupant des équipes pluridisciplinaires : endocrinologues, nutritionnistes, pédiatres, chirurgiens, psychologues, etc. Parmi ces établissements, cinq centres intégrés, rattachés à des hôpitaux, font, en plus, de la recherche, de la formation et de l’enseignement : Paris (deux centres), Lille, Lyon, Toulouse.

Liste complète sur https://sante.gouv.fr

À lire

. Le guide anti-NASH. Questions/réponses sur la maladie du foie gras de l’association SOS hépatites. Versions numérique et papier sur commande sur soshepatites.org

. 40 idées fausses sur les régimes du Dr Jean-Michel Lecerf (Éditions Quæ, 18,50 €).