La vaccination, un geste de santé publique

La vaccination, un geste de santé publique
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La pandémie de Covid-19 et l’épidémie saisonnière de grippe ont remis en lumière le rôle clé de la vaccination dans la lutte contre certaines maladies infectieuses graves.

« Les campagnes de ­vaccination permet­tent de lutter contre la circulation d’un agent infectieux au sein de la population, à l’échelle régionale ou mondiale », rappelle l’Institut national de la santé et de la recherche médi­cale (Inserm) dans son dossier « Vaccinations et vaccins ». Cela a permis d’éradiquer la variole dans le monde, et de faire disparaître la polio­myé­lite en France (site d’information : vaccination-info-service.fr).

Un pour tous, tous pour un

Ces victoires remportées sur la maladie ne doivent cependant pas faire oublier que l’équilibre reste fragile : seul le maintien d’une bonne couverture vaccinale, soit un taux élevé de personnes vaccinées, diminue le ris­que de transmission. « On parle ­d’immunité de groupe lorsque suffisamment d’individus sont vaccinés pour qu’ils protègent indirectement les plus vulnérables, ceux qui ne peu­vent être vaccinés pour des raisons médicales ou physio­logiques », explique Paul-Henri Consigny, responsable du centre médical de ­l’Institut Pasteur. Les personnes immunisées font ainsi barrage entre les sujets contagieux et ceux non immunisés. Autrement dit, se faire vacciner n’engage pas que sa santé mais celle de la communauté. « En dessous de cette couverture, dont le pourcentage varie selon les agents infectieux, la population est exposée à la résurgence de grandes maladies », poursuit le spécialiste. Mais difficile de passer sous silence la défiance d’une partie de la population depuis une quinzaine d’années envers les vaccins. Le Covid a même clairement mis en évidence les réticences de certains.

Les pharmaciens dans la boucle

Selon une récente enquête*, une majorité de Français est favorable à la vaccination : 74 % des interrogés estiment que les vaccins ont plus de bénéfices que de risques, quand 8 % pensent l’inverse. Ce sondage pointe également le niveau insuffisant de connaissances des Français sur les différents vaccins (notamment des parents sur ceux recommandés et obligatoires). Pour 1 maladie sur 3, la population ignore largement l’existence d’un vaccin, et moins de 1 Français sur 2 est certain d’être à jour de ses vaccinations. De même, leur connaissance sur les professionnels de santé habilités à prescrire et à vacciner est « assez modérée ». Bonne nouvelle, toutefois : si les vaccins étaient habi­tuellement prescrits et administrés par les médecins, désormais, pharmaciens, sages-femmes et infirmiers sont autorisés à prescrire et vacciner les enfants de plus de 11 ans et les adultes (pour les vaccins mentionnés dans le calendrier vaccinal).

* « État des lieux des perceptions, des connaissances et des comportements des Français vis-à-vis de la vaccination », Ipsos pour GSK, avril 2023.

Info +

Selon l’Organisation mondiale de la santé, la vaccination permet de sauver 3,5 à 5 millions de vies chaque année. Certains vaccins spécifiques sont exigibles pour l’entrée dans certains pays, comme ceux contre la fièvre jaune, la typhoïde, la rage ou encore l’hépatite A. Deux à trois mois avant votre départ, prenez rendez-vous avec votre médecin traitant ou dans un centre de vaccinations spécialisé (centre de vaccinations internationales, centre agréé pour la vaccination contre la fièvre jaune). Informations sur medecinedesvoyages.net

À savoir

Le site de référence sur la vaccination pour le grand public, vaccination-info-service.fr, recense les différents vaccins en fonction de l’âge et de la situation de chacun, et propose des fiches informatives sur les maladies à prévention vaccinale. Infographies et vidéos alimentent le propos. Vous saurez tout sur les vaccins !  

Vaccins : mode d’emploi

Aux vaccins obligatoires s’ajoutent ceux recommandés, non moins utiles. On vous dit tout sur le calendrier vaccinal et l’importance d’être à jour de ses vaccins.

Lorsque nous rencontrons un microbe et tombons malade, notre système immunitaire se défend en fabriquant des anticorps pour éliminer ce germe. La vaccination s’appuie sur ce principe : en injectant un virus inactivé, une partie du virus ou un ARN messager dans l’organisme, le système immu­nitaire réagit en produisant des anticorps spécifiques. « Elle permet de développer des cellules immunitaires “mémoires”, capables de reconnaître immédiatement l’agent pathogène s’il venait à contaminer la personne par la suite », détaille l’Inserm. Résultat : en cas de contact avec l’agent infectieux, nos défenses l­’élimineront avant qu’il n’envahisse notre corps et nous rende malade.

Vaccins obligatoires

Onze vaccins infantiles sont désormais obligatoires (contre trois auparavant), la liste ayant été allongée en 2018 pour mieux protéger les enfants dès leurs premiers mois de vie. Les vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP) ont en effet été rejoints par huit autres qui n’étaient que recommandés : coqueluche, infection à Haemophilus influenzae de type B (bactérie qui peut provoquer des méningites), hépatite B, pneumocoque (à l’origine de pneumopathies et de méningites), méningocoque C, rougeole, oreillons et rubéole (ROR). Ainsi, sauf contre-indication médicale reconnue, tous les enfants nés à partir du 1er janvier 2018 doivent être à jour de ces onze vaccins.

Rappelons que les contre-indications sont rares : maladie aiguë avec fièvre élevée au moment de la vacci­­na­tion, allergie connue à l’un des compo­sants du vaccin, réaction allergique lors de l’administration d’un précédent vaccin, maladie chronique, déficit immunitaire (VIH, traitement immu­nosuppresseur, etc.).

Vaccins : chez le pharmacien

Jusqu’à présent, les pharmaciens ne pouvaient réaliser que les vaccins contre la grippe et le Covid-19. Afin d’améliorer la couverture vaccinale, ils peuvent désormais prescrire et administrer (s’ils ont reçu la formation adéquate) aux adultes et aux enfants de plus de 11 ans l’ensemble des vaccins mentionnés dans le calendrier vaccinal, ainsi que les rappels. Une option pratique qui permet de se rendre chez son pharmacien sans ordonnance et sans rendez-vous.

En revanche, chez les personnes immunodéprimées, les vaccins vivants atténués, tels que celui contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) ou contre la tuberculose (BCG), restent aux mains des médecins.

Entrée en collectivité

Ces vaccins seront administrés au cours des 18 premiers mois de l’enfant (soit dix injections au total) et sont exigibles pour l’entrée et le maintien en collectivité (crèche, école, colonie de vacances, etc.). En l’absence des documents requis (carnet de santé, document du professionnel de santé ou certificat de contre-indication à la vaccination), l’admission de l’enfant est provisoire, et les parents ont alors trois mois pour régulariser la situation. Ensuite, à partir de l’âge de 6 ans, certains vaccins comme la coqueluche nécessitent des doses de rappel pour rester efficaces. Le calendrier simplifié des vaccinations est publié chaque année par le ministère de la Santé (sante.gouv.fr) : en fonction de l’âge, il récapitule les vaccins nécessaires pour acquérir une immunité de base ainsi que les rappels à effectuer, pour la population générale et dans certains cas particuliers (femmes enceintes, voyage à l’étranger, etc.).

Vaccins recommandés

D’autres vaccins, plus récents, sont recommandés chez les enfants. Tout aussi utiles, eux aussi permettent de lutter contre des maladies graves, voire mortelles, qu’elles soient d’appa­rition rapide (certaines méningites, par exemple) ou retardée (certains can­cers). Pour les bébés exposés à un risque de tuberculose dans leur entourage ou leur environnement, le BCG est vivement conseillé (à partir de l’âge de 1 mois et jusqu’à 15 ans). S’ajoute, à partir de 2 mois, la vacci­nation contre le rotavirus, cause des gastro-entérites, pouvant être dangereuses en raison du risque de déshy­dratation. Ensuite, la vaccination contre les infections à méningocoques de sérogroupe B est préconisée chez les tout-petits (de 2 mois jusqu’à 2 ans).

Depuis 2021, le vaccin contre les papil­lomavirus humains (HPV) est recommandé chez les filles et les garçons de 11 à 14 ans. Très fréquentes (80 % des individus sont exposés au cours de leur vie), les infections à papilloma­virus humains, en général contractées au début de la vie sexuelle, peuvent évoluer vers des cancers : le HPV est le principal facteur de risque du cancer du col de l’utérus, mais aussi de la sphère ORL, de l’anus, de la vulve, du vagin et du pénis. La vaccination chez les deux sexes vise donc à enrayer la chaîne de transmission. En France, la couverture vaccinale demeure insuf­fisante : 41,5 % chez les filles et 8,5 % chez les garçons pour l’année 2022, selon Santé publique France.

Se tenir à jour

À l’âge adulte, on a tendance à négli­ger le calendrier vaccinal, pourtant, « la mise à jour de ses rappels est importante car la protection conférée par certains vaccins ne dure pas toute la vie », rappelle l’Assurance maladie. Pour en avoir le cœur net, le plus simple est de consulter son carnet de santé pour voir quelles vaccinations nous avons reçues et si l’on est à jour. Mais encore faut-il remettre la main dessus… En cas de perte, il convient de prendre rendez-vous avec un professionnel de santé qui fera le point sur la situation au regard de l’âge et de l’état de santé. En cas de retard, il suffit de reprendre la vaccination là où elle s’était arrêtée.

Bon à savoir : depuis le lancement du service numérique personnel et sécurisé Mon espace santé, en 2022, qui recense toutes les données de santé personnelles, il est possible d’accéder à la rubrique « Vaccinations » sur la page « Profil médical ». Celle-ci permet aux professionnels comme aux usagers (en scannant le QR Code de la boîte ou en renseignant le nom du vaccin manuellement) de complé­ter ce carnet de santé en ligne, dont la synthèse est téléchargeable en PDF.

Piqûres de rappel à l’âge adulte

Le rappel le plus important est le DTP (diphtérie-tétanos-poliomyélite). Il est recommandé à 25, 45 et 65 ans, puis tous les dix ans car le système immu­nitaire faiblit avec l’âge.

Le tétanos, dû à une neurotoxine produite par une bactérie présente dans la terre, se contracte par l’infection d’une plaie. On peut donc se contaminer simplement en s’adonnant à une activité de jardinage…

La vaccination préventive contre la coqueluche des futurs parents (et ­idéalement de l’entourage familial) est également conseillée pour pro­té­ger le nouveau-né. Le rappel vaccinal contre cette maladie respiratoire susceptible d’entraîner chez le nourrisson de graves complications, se fait à 25 ans, avec un rattrapage pos­si­ble jusqu’à l’âge de 39 ans.

Quant au ROR (rougeole-oreillons-rubéole), particulièrement indiqué chez les femmes avec un projet de grossesse, il nécessite deux injections pour une protection optimale : pour toute personne née depuis 1980, être à jour signifie avoir reçu deux doses.

Le rattrapage contre la méningite à méningocoque C, lui, est fortement recommandé jusqu’à l’âge de 24 ans. S’ajoutent deux vaccins ciblant les personnes à partir de 65 ans : zona et grippe (tous les ans car les souches du virus de la grippe ne sont pas les mêmes d’une année à l’autre).

L’avis de l’expert : La France, un cas à part

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Paul-Henri Consigny, Responsable du centre médical de l’Institut Pasteur

« Depuis 2018, la couverture vaccinale s’améliore. De façon un peu paradoxale, la France compte parmi les pays qui éprouvent le plus de défiance envers la pratique vaccinale, ce qui s’explique le plus souvent par un manque d’infor­mations. Ainsi, le débat sur les effets secondaires est typiquement franco-­français. Dans d’autres pays, où nombre de vaccins ne sont pas obligatoires, les couvertures vaccinales sont très élevées, comme en Australie et dans le nord de l’Europe, pays modèles dans la lutte contre les infections à papillomavirus, où l’on a constaté une chute des contaminations. La vaccination est une mesure préventive, au même titre que le port du masque en plein Covid. Ne pas se faire vacciner, c’est prendre le risque de contracter, à l’âge adulte, une maladie susceptible de s’aggraver, telle que la rougeole qui peut conduire à des complications pulmonaires et neurologiques. »

La recherche s’emballe et de nouveaux vaccins viennent compléter l’arsenal existant. Des lancements voués à se multiplier au cours des prochaines années.

Avec la pandémie de Covid-19, l’ARN mes­sa­ger a été pro­pulsé sur le devant de la scène. On dispose désormais de nou­­vel­les technologies vaccinales mais aussi de nouveaux vaccins, lancés par les laboratoires pharmaceutiques.

Les derniers-nés

Chaque hiver, le virus respiratoire syn­cytial, responsable de la bronchiolite, est à l’origine d’hospita­lisa­tions de nourrissons et de personnes âgées. Le vaccin mater­nel Abrysvo®, élaboré par Pfizer, a été autorisé par l’Agence européenne des médicaments (EMA) et devrait être disponible en 2024 : il s’adresse aux femmes enceintes à partir du 3e trimestre (la mère transmet ses anticorps au fœtus, ce qui protège de façon passive l’enfant de sa naissance à ses 6 mois) et aux personnes de plus de 60 ans.

Le virus du chikungunya, transmis par le moustique-tigre, provoque de la fièvre et des douleurs articulaires violentes, des symptômes qui peuvent durer des mois. Mis au point par le groupe Valneva, Ixchiq®, qui contient le virus atténué, a reçu un avis positif de l’EMA.

Autre nouveauté, l’autorisation par l’Organisation mondiale de la santé de deux vaccins pour prévenir le paludisme, potentiellement mortel, chez les enfants à risque de contracter la maladie (en Afrique).

Dans les tuyaux

Contre la maladie de Lyme, causée par une bactérie (Borrelia) transmise par les tiques, le vaccin VLA15®, développé conjointement par les laboratoires Pfizer et Valneva, a passé avec succès la phase 2 des essais cliniques. La phase 3 est lancée et, sous réserve de résultats positifs, sa commercia­lisation pourrait intervenir en 2026.

Un nouveau vaccin, par voie nasale, en prévention des infections de coqueluche et pour empêcher la transmission bactérienne entre individus est en cours de développement (les vaccins actuels protègent contre l’appa­rition des symptômes).

Également dans les tuyaux, des vaccins contre l’asthme ou encore le VIH. Pour ce dernier, plusieurs pistes sont examinées, dont le vaccin à acides nucléiques (à ADN), pour la prévention du cancer du foie, l’un des cancers les plus mortels. Il consiste à faire fabriquer un antigène par le corps, sa synthèse entraînant la fabrication d’anticorps. 

ARN messager, quèsaco ?

La technologie de l’ARNm (acide ribonucléique messager), à laquelle on doit les vaccins anti-Covid, constitue une révolution, notamment parce qu’elle permet de concevoir des vaccins en quelques mois. Les vaccins à ARNm utilisent un petit morceau du matériel génétique du virus de sorte à déclencher une réponse immunitaire. « On injecte la séquence qui va permettre de fabriquer la protéine du virus, comme la protéine Spike (protéine S) du coronavirus, dans les cellules de l’organisme. Si une personne vaccinée est infectée par la suite, ses défenses immunitaires vont reconnaître la protéine S du virus et la neutraliser. L’ARN ne peut pas s’intégrer au matériel génétique de l’hôte humain vacciné », explique Paul-Henri Consigny, de l’Institut Pasteur.